Le chef de l'Etat turc Recep Tayyip Erdogan triomphait lundi après avoir remporté dès le premier tour un nouveau mandat aux pouvoirs renforcés face à une opposition pugnace qui a reconnu sa défaite tout en jugeant la campagne injuste.
Après avoir remporté dimanche des élections législatives et présidentielle contre une opposition vigoureuse, M. Erdogan s'est offert dans les premières heures de lundi un symbolique discours de victoire depuis le balcon du siège de son parti, l'AKP, à Ankara.
«La Turquie a donné une leçon de démocratie au monde», a-t-il clamé devant plusieurs milliers de partisans qui agitaient des drapeaux et scandaient son nom.
M. Erdogan, qui règne sur la Turquie depuis 2003, d'abord comme Premier ministre puis, à partir de 2014, comme président, s'est imposé comme le dirigeant turc le plus populaire, mais aussi le plus polarisateur de ces dernières décennies.
Dérive autoritaire
Accusé de dérive autoritaire par ses détracteurs, il s'apprête, après sa victoire, à recevoir un nouveau mandat présidentiel de cinq ans aux prérogatives considérablement renforcées, aux termes d'une réforme constitutionnelle adoptée l'an dernier par référendum. M. Erdogan a indiqué lors de son discours nocturne qu'il mettrait «rapidement» en place le nouveau système présidentiel prévu par cette réforme constitutionnelle.
Le président du Haut comité électoral (YSK) Sadi Güven a déclaré dans la nuit de dimanche à lundi que M. Erdogan avait, selon des résultats provisoires, récolté la majorité absolue des voix dans le volet présidentiel du scrutin, synonyme de réélection dès le premier tour.
Le principal opposant de M. Erdogan à la présidentielle, le social-démocrate Muharrem Ince, a reconnu sa défaite lundi et exhorté le président à représenter «tous» les Turcs.
Rompant son silence lors d'une conférence de presse à Ankara, M. Ince a estimé que la Turquie était désormais passée sous «un régime autocratique» avec l'entrée en vigueur de la réforme constitutionnelle.
Nouveaux pouvoirs
D'après l'agence de presse étatique Anadolu, qui fait état d'un taux de participation d'environ 88%, M. Erdogan est arrivé en tête de la présidentielle avec un score de 52,5% après dépouillement de plus de 99% des urnes.
La coalition montée par M. Erdogan pour le volet législatif des élections récolte quelque 53,6% des voix, selon les résultats partiels d'Anadolu, grâce notamment au score inattendu de son partenaire minoritaire, le parti ultranationaliste MHP (11%).
M. Erdogan s'est imposé comme le dirigeant turc le plus puissatn depuis le fondateur de la République, Mustafa Kemal. Il a transformé la Turquie à coups de méga-projets d'infrastructures et en libérant l'expression religieuse, et a fait d'Ankara un acteur diplomatique clé.
Mais ses détracteurs accusent le «Reis», âgé de 64 ans, de dérive autocratique, en particulier depuis la tentative de putsch de juillet 2016, suivie de purges massives qui ont touché des opposants et des journalistes et suscité l'inquiétude de l'Europe.
Avec l'entrée en vigueur de la réforme constitutionnelle, M. Erdogan pourrait potentiellement rester au pouvoir jusqu'à 2023, voire au-delà. Cette réforme constitutionnelle prévoit le transfert de tous les pouvoirs exécutifs au président qui pourra nommer les ministres et de hauts magistrats, décider du budget et gouverner par décrets. La fonction de Premier ministre sera supprimée.
Les élections de dimanche étaient considérées par les observateurs comme les plus difficiles pour M. Erdogan depuis son avènement au pouvoir, face à des vents économiques contraires et une opposition revitalisée.
«Election injuste»
M. Ince, un député pugnace qui a porté les couleurs du CHP à la présidentielle, s'est imposé comme le principal rival de M. Erdogan pour la présidentielle. Selon Anadolu, il a récolté près de 31% des voix.
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Les observateurs ont pointé des conditions de campagne très inéquitables avec notamment une couverture médiatique largement favorable au président turc. «Cette élection a été injuste», a déploré M. Ince.
Malgré l'arrestation de plusieurs de ses députés et notamment de son candidat à la présidentielle Selahattin Demirtas, le candidat prokurde HDP est parvenu à franchir le seuil de 10% des voix au niveau national lui permettant de siéger à nouveau au Parlement. «Le fait que j'ai été contraint de faire campagne en étant incarcéré a été la plus grande injustice de cette campagne», a dénoncé M. Demirtas, selon un message posté sur son compte Twitter.
Les opposants, qui avaient mobilisé une armée d'observateurs pour surveiller les urnes, ont dénoncé des irrégularités, notamment dans la province de Sanliurfa.
M. Erdogan a notamment été félicité par le dirigeant russe Vladimir Poutine qui a loué lundi la «grande autorité politique» de son homologue turc. Les marchés semblaient rassurés par la victoire de M. Erdogan. La livre turque, qui s'est fortement dépréciée cette année, prenait environ 2% face au dollar.