Des milliers de civils ont fui les bombardements du régime syrien sur les zones contrôlées par les rebelles dans le sud du pays en guerre ces derniers jours, sur fond de craintes d'une offensive militaire d'envergure.
Cette escalade intervient alors que la zone méridionale de la Syrie, qui inclut les provinces de Deraa, Quneitra et Soueida, fait l'objet d'un cessez-le-feu depuis juillet 2017 à la faveur d'un accord entre la Russie, la Jordanie et les Etats-Unis.
Celui-ci avait emboîté le pas à un accord entre Moscou, Téhéran et Ankara sur la création de quatre zones de désescalade en Syrie, dont le sud.
Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), plus de 12.000 Syriens ont quitté depuis mardi des localités de l'est de la province de Deraa, contrôlée majoritairement par les rebelles et cible de bombardements des forces loyales à Bachar al-Assad.
«Pour la troisième journée consécutive, des milliers de Syriens ont fui (...) sur fond d'intensification des tirs d'artillerie et des raids aériens des forces loyalistes ayant fait 20 morts en 72 heures, dont 14 civils et six combattants», a indiqué à l'AFP le directeur de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane.
«Ils se dirigent vers des localités à l'abri des bombardements, qui sont proches de la frontière jordanienne», a-t-il ajouté.
Selon Mohamad Ibrahim, un militant sur place, «des villages entiers ont été vidés. Des milliers de personnes ont quitté leur domicile (...) par peur des bombardements».
Deraa est située non loin du plateau du Golan syrien, dont une large partie est occupée par Israël depuis 1967.
Cette province est morcelée entre différents groupes rebelles, qui en contrôlent près de 70%, les forces du régime et Daesh, qui y maintient une présence marginale.
L'ONU «préoccupée»
Berceau de la contestation en mars 2011, Deraa est dans le viseur du régime depuis la sécurisation, le mois dernier par les forces loyalistes, de l'ensemble de la capitale et de ses environs, après l'éviction des derniers rebelles et jihadistes.
Des négociations impliquant plusieurs puissances régionales et internationales sont en cours pour déterminer le sort de cette province ainsi que celle voisine de Quneitra, dont une large partie est également sous contrôle rebelle.
Le président Bachar al-Assad a récemment assuré que l'option militaire était toujours sur la table. Des renforts militaires sont amassés aux abords de la province depuis des semaines.
Mais les Etats-Unis ont averti Damas d'une action «ferme» en cas de violation du cessez-le-feu par le régime dans le sud de la Syrie.
De son côté, le centre de réflexion International Crisis Group a mis en garde contre «une autre catastrophe humanitaire» en cas d'embrasement militaire, dans un rapport publié jeudi.
«Les Etats-Unis, la Russie et la Jordanie, qui ont négocié un cessez-le-feu (...) en 2017, devraient d'urgence prolonger cette trêve en vue d'un règlement» diplomatique, a-t-il affirmé.
Le bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha) a également fait part de ses inquiétudes.
«L'ONU est profondément préoccupée par la sécurité d'environ 750.000 personnes (vivant) dans (les zones rebelles) du sud de la Syrie (...)», a affirmé à l'AFP la porte-parole de l'Ocha, Linda Tom.
Tirs rebelles
Selon l'agence officielle Sana, «l'artillerie de l'armée syrienne mène des frappes ciblées contre (...) la ville de Hirak, au nord-est de Deraa, et sur la localité de Basr al-Harir (...) pour y détruire des fortifications» bâties par les groupes rebelles.
En représailles, ces derniers ont frappé jeudi des positions du régime dans la ville de Soueida, non loin de Deraa, tuant deux civils et en blessant trois, selon Sana. Mardi, pour la première fois depuis l'été 2015, ils avaient lancé des roquettes sur des quartiers de la ville sous contrôle du régime.
Sur un autre front, deux attentats ont eu lieu jeudi dans la province d'Idleb, dans le nord-ouest du pays. Ils ont fait huit morts, dont cinq civils, et plus de 30 blessés, selon l'OSDH.
La province, qui échappe quasi-entièrement au contrôle de Damas, est dominée par le groupe jihadiste Hayat Tahrir al-Cham, cible d'attentats souvent imputés à Daesh.
Le régime de Damas a enchaîné les victoires depuis l'intervention militaire de Moscou dans le conflit en septembre 2015, et il contrôle désormais plus de 60% du territoire, selon l'OSDH.
La guerre en Syrie, entrée dans sa huitième année le 15 mars, a fait plus de 350.000 morts et jeté à la rue des millions de personnes.