Cuba, en deuil, a débuté samedi 19 mai le douloureux travail d'identification des 110 personnes - dont onze étrangers - tuées dans un accident d'avion la veille, et enquêtait sur les raisons du crash le plus meurtrier sur l'île en près de 30 ans.
Sur les 113 personnes à bord, seules trois femmes cubaines ont survécu et étaient hospitalisées dans un état critique. Selon le ministre des Transports Adel Yzquierdo, 99 Cubains ont péri, ainsi que six membres d'équipage mexicains, trois touristes étrangers (une Mexicaine et un couple argentin) et deux résidents sahraouis. Cinq enfants sont notamment décédés.
Le précédent bilan officiel évoquait un nombre inférieur de personnes à bord, 110, dont trois survivants. Un deuil officiel de deux jours a été décrété après cet accident, le plus grave depuis 1989, survenu vendredi midi dans un champ près de l'aéroport de La Havane, alors que l'appareil se rendait à Holguin (Est de Cuba).
Les boîtes noires en bon état
On ignorait encore samedi ce qui a provoqué la chute de l'avion peu après son décollage, au moment où il engageait un virage mais M. Yzquierdo a annoncé qu'une des deux boîtes noires avait été retrouvée «en bon état». «Nous devons recevoir l'autre dans les prochaines heures», a-t-il ajouté. L'avion était loué par la compagnie publique cubaine Cubana de Aviacion au mexicain Global Air, également connu sous le nom de Aerolineas Damojh, sous une formule de «wet lease», qui inclut l'équipage complet, en l'occurrence deux pilotes, trois hôtesses et un technicien.
Le nouveau président cubain Miguel Diaz-Canel, qui s'est rendu samedi à la morgue et à l'hôpital où sont soignées les rescapées, a annoncé le lancement d'une enquête. La direction générale de l'aéronautique civile mexicaine a dépêché une équipe de spécialistes pour assister les autorités cubaines et l'avionneur américain Boeing a mis sur pied une équipe technique pour répondre aux éventuels besoins de La Havane.
«Nous avons accepté qu'ils viennent et que viennent les experts internationaux et les assureurs», a indiqué le ministre Yzquierdo, qui a précisé que l'appareil était loué depuis «moins d'un mois» par Cubana de Aviacion et que la compagnie mexicaine «s'occupe de l'entretien des avions [qu'elle loue], c'est sa responsabilité». Fabriqué en 1979 selon le gouvernement mexicain, il avait passé sa dernière révision en novembre 2017.
Des défaillances dans l'entretien
A Mexico, un ancien pilote de la compagnie Global Air a affirmé au quotidien Milenio avoir constaté entre 2005 et 2013 certaines défaillances dans l'entretien des appareils. «Il y a des mécaniciens très compétents mais ils manquent de pièces de rechange».
La Direction de l'aviation civile mexicaine a annoncé samedi que Global Air serait soumis à un «nouvel audit opérationnel». Il s'agira de «vérifier que les conditions actuelles d'utilisation des appareils sont conformes à la réglementation et de recueillir toutes les informations susceptibles d'aider l'enquête sur ce tragique accident», ont expliqué les autorités aéronautiques mexicaines.
Samedi après-midi, quinze victimes avaient déjà été identifiées selon les autorités, qui ont prévenu qu'il faudrait patienter avant d'identifier tous les corps, en grande partie brûlés lors de l'incendie de l'appareil au sol. «Ce processus prend du temps, nous ne pouvons donner un délai exact mais nous estimons que cela va prendre des jours, probablement des semaines», a déclaré le vice-ministre de la Santé, Alfredo Gonzalez.
«J'ai perdu mon unique soeur», confiait à l'AFP Yunisleydis Abreu Lara, 33 ans, les yeux rougis par l'émotion, qui patientait face à la morgue parmi une quarantaine de proches des victimes. «Ils m'ont fait le test ADN, maintenant je dois attendre.»
«Donnez-moi mon fils! Il est dedans! Combien d'heures vont-ils attendre pour me le donner?», se lamentait Ines Gonzalez, venue des Etats-Unis, où elle vit, pour identifier son fils Carlos, 22 ans.
Sur les réseaux sociaux, des proches publiaient des photos des victimes du vol DMJ0972, comme José Angel, directeur du groupe musical Bolero Salsa, et son épouse Amparo Iban, ou le docteur Monica Leyva et son bébé, tous deux décédés dans l'accident. A l'hôpital havanais de Calixto Garcia, l'état des trois survivantes, âgées de 19, 23 et 39 ans, demeurait préoccupant.
Seule une rescapée a repris connaissance
«Leur pronostic est réservé», selon le docteur Carlos Martinez, directeur de l'hôpital. Chacune d'elles a subi de graves brûlures et des blessures aux poumons, à l'abdomen, au crâne ainsi que de nombreuses fractures, notamment au pelvis et aux jambes. Seule Emiley Sanchez de la O, 39 ans, avait repris connaissance samedi. Elle a réclamé par gestes de l'eau.
De nombreux gouvernements du monde entier ont manifesté leur solidarité avec La Havane. A Rome, le pape François a demandé à l'Eglise cubaine de transmettre ses condoléances aux familles. Cet accident est le plus grave survenu sur l'île depuis le crash en 1989, dans des conditions similaires à La Havane, d'un charter à destination de Milan, dans lequel 115 passagers - dont 113 touristes italiens - avaient été tués, ainsi que 40 Cubains au sol.