Le principal opposant russe, Alexeï Navalny, comparaît vendredi devant la justice pour avoir organisé des manifestations non autorisées deux jours avant l'investiture de Vladimir Poutine pour un quatrième mandat, dispersées manu militari par la police assistée d'unités paramilitaires.
Arrêté le 5 mai avec plus de 1.500 manifestants, l'opposant est arrivé vendredi matin au tribunal moscovite qui doit le juger successivement pour deux infractions : organisation d'une manifestation non-autorisée puis, dans la foulée, désobéissance aux forces de l'ordre.
Alexeï Navalny risque un mois de prison pour chaque accusation, selon la loi russe.
Arrivé au tribunal en jeans et chemise à carreaux, il s'est montré souriant et détendu. «Mes attentes sont les plus heureuses et merveilleuses», a-t-il déclaré avec ironie aux journalistes.
Coutumier des procès, M. Navalny, 41 ans, a multiplié ces derniers mois les manifestations pour faire pression sur le Kremlin, après avoir été déclaré inéligible à l'élection présidentielle du 18 mars, remportée sans surprise par Vladimir Poutine.
Sous le mot d'ordre «Il n'est pas notre tsar», l'opposant avait appelé samedi dernier ses partisans à sortir dans les rues et des milliers de personnes se sont rassemblés dans de nombreuses villes du pays.
A Moscou, des échauffourées avaient éclaté entre les manifestants de l'opposition et des personnes en treillis, portant le couvre-chef traditionnel des Cosaques et scandant des slogans pro-Kremlin.
La police avait employé la force pour disperser le rassemblement, jouant de la matraque et arrêtant à tour de bras des manifestants, parfois très jeunes.
Alexeï Navalny avait lui même été interpellé peu après son arrivée à la manifestation à Moscou, sous les cris de la foule.
Sa dernière interpellation remonte à fin février, après une manifestation similaire en janvier, sans mener ni à un procès ni à une condamnation.
«Ces derniers temps, les poursuites judiciaires pour les manifestations sont conduites de manière étrange», a-t-il déclaré vendredi, ajoutant ne pas comprendre la «stratégie» des autorités russes.
En octobre, Alexeï Navalny avait été condamné à 20 jours de détention pour appels à des manifestations non autorisées.
«A bas le tsar»
Ce procès intervient quelques jours après l'investiture de Vladimir Poutine à la présidence de la Russie pour un quatrième mandat durant jusqu'en 2024, un quart de siècle après son arrivée au pouvoir.
A la veille de l'investiture précédente de Vladimir Poutine, le 6 mai 2012, une manifestation anti-Kremlin sur la place Bolotnaïa à Moscou avait déjà été émaillée d'affrontements avec la police, et plusieurs manifestants avaient ensuite été condamnés à des peines de camp.
Au cours de son troisième mandat, Vladimir Poutine avait ensuite opéré un tour de vis sur l'opposition, durcissant la loi sur la liberté de rassemblement et les violences contre les forces de l'ordre.
Une nouvelle loi, prévoyant des amendes voire des périodes de détention pour les personnes incitant les mineurs à participer à des manifestations non-autorisées, a été introduite à la Douma, chambre basse du Parlement russe où le parti au pouvoir, Russie Unie, est majoritaire.
Alexeï Navalny bénéficie d'une forte popularité auprès de la jeunesse russe et ses manifestations ont mobilisé de nombreux adolescents.
Selon l'organisation OVD-Info, spécialisée dans le suivi des arrestations, au moins 170 mineurs ont été arrêtés samedi lors de la manifestation anti-Kremlin.
Très présent sur les réseaux sociaux, Alexeï Navalny a dénoncé avec vigueur le blocage de la messagerie Telegram, ordonné en avril par les autorités russes. Le 30 avril, l'opposant a manifesté avec environ 8.000 Russes contre le renforcement de la surveillance sur internet.
Autorisé par la mairie de Moscou, ce rassemblement lui a donné la rare opportunité de s'adresser à la foule. «Êtes-vous prêts à résister ?», a-t-il lancé, avant de marteler «A bas le tsar !»