Le dirigeant historique du Monténégro, Milo Djukanovic, a retrouvé dimanche un pouvoir abandonné il y a moins de deux ans, après sa victoire dès le premier tour de la présidentielle dans ce petit pays des Balkans candidat à l'entrée dans l'Union européenne.
C'est «la victoire de l'avenir européen du Monténégro», a réagi Milo Djukanovic qui s'est engagé à oeuvrer tout au long de son mandat de cinq ans à rapprocher de l'UE son pays de 620.000 habitants.
Allié de l'Occident, il avait quitté son poste de Premier ministre en octobre 2016, après avoir dirigé quasiment sans interruption pendant un quart de siècle le Monténégro, le conduisant à l'indépendance de la Serbie en 2006, puis à l'adhésion à l'Otan, effective depuis un an.
Avec Milo Djukanovic, le poste de chef de l'Etat, dont les fonctions étaient purement honorifiques pendant les mandats de son prédécesseur et allié politique Filip Vujanovic, va redevenir le véritable siège du pouvoir.
D'après l'ONG indépendante Centre for Monitoring (CEMI), chargée d'annoncer les résultats préliminaires, Milo Djukanovic obtient près de 54% des suffrages, loin devant son plus proche adversaire, Mladen Bojanic, crédité d'un tiers des votes.
Refusant de le féliciter, ce dernier a toutefois reconnu la victoire de son adversaire, disant simplement : «Le Monténégro a choisi ce qu'il a choisi».
Dans le calme
Alors que les législatives de 2016 avaient été marquées par l'arrestation d'une vingtaine de militants opposés à l'Otan, accusés d'avoir voulu fomenter un coup d'Etat, le scrutin s'est cette fois déroulé dans le calme, sans incidents graves.
Pendant la campagne, à Podgorica, la capitale où vit plus du tiers de la population, les affiches de Milo Djukanovic, «leader, homme d'Etat, président de tous les citoyens», ont occupé la majeure partie des panneaux publicitaires, laissant la portion congrue à ses six adversaires.
Soutenu par les principaux partis d'opposition, prorusses ou non, Mladen Bojanic, 56 ans, qui avait dit croire en la victoire et appelé à l'union contre Milo Djukanovic en vue du second tour, n'a donc pas créé la surprise.
Après avoir voté, il avait appelé à «mettre un terme au règne d'un autocrate qui veut transformer le Monténégro en dictature». «Je vais continuer à me battre», a dit Mladen Bojanic.
Sasa Jankovic, un ingénieur de 55 ans, avait expliqué en votant qu'il aimerait «voir quelqu'un d'autre dans le siège présidentiel» que Milo Djukanovic. Mais il ne se faisait guère d'illusion : «C'est un peu triste : je n'ai vu la domination que d'un homme. Et c'est encore plus triste qu'il n'y ait actuellement pas de solution alternative».
Quant au seul candidat ouvertement prorusse, Marko Milacic, un journaliste de 32 ans, il ne recueille qu'environ 3% des suffrages.
«Il y a le sentiment que la Russie comprend les limites de son influence sans renoncer à long terme», estime l'expert Zlatko Vujovic, le directeur du CEMI.
Difficultés économiques
Milo Djukanovic a d'ailleurs modéré sa rhétorique hostile au Kremlin, se déclarant prêt à «mettre en place des relations normales avec la Russie, si celle-ci est aussi prête à le faire».
Les autorités judiciaires monténégrines ont accusé des institutions russes d'avoir été derrière la tentative de coup d'Etat d'octobre 2016, ce que Moscou réfute.
De son côté, l'opposition a attaqué Milo Djukanovic sur le poids de la criminalité organisée, sur fond de règlements de comptes entre trafiquants. Elle l'accuse de longue date d'entretenir des liens avec les milieux criminels.
Dans un pays où le chômage dépasse les 20%, Milo Djukanovic s'est engagé à multiplier par deux en quelques années le salaire moyen, actuellement de 500 euros. Cet engagement, a-t-il plaidé, ne sera tenu que si le Monténégro ne dévie pas de la voie vers l'adhésion à l'UE.