Une première famille de musulmans rohingyas, enfuis au Bangladesh à la suite de ce que l'ONU dénonce comme un nettoyage ethnique en 2017 en Birmanie, est rentrée, a annoncé le gouvernement birman, une annonce accueillie avec scepticisme par les ONG.
«Les cinq membres de cette famille ont été renvoyés chez des proches à Maungdaw», épicentre des violences, selon un communiqué diffusé samedi soir sur Facebook, avec des photos de la famille s'enregistrant auprès de responsables birmans.
Il ne précise pas cependant si ce premier retour, symbolique, doit être suivi sous peu par d'autres, alors que 700.000 Rohingyas s'entassent dans des camps insalubres au Bangladesh et que des épidémies y sont redoutées à l'approche de la saison des pluies.
Le Bangladesh assure de son côté que cette famille rohingya se trouvait dans le «no man's land» entre les deux pays. «Ils ne relevaient pas de notre juridiction, donc nous ne pouvons pas confirmer si d'autres sont sur le point de rentrer», a déclaré à l'AFP dimanche le commissaire aux réfugiés bangladais, Mohammad Abul Kalam.
La question du retour des réfugiés est suivie de près par la communauté internationale, les ONG s'inquiétant de l'impréparation de la Birmanie, censée construire des camps d'accueil temporaires, les villages rohingyas ayant été souvent brûlés dans les violences.
La Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH) a dénoncé ce premier retour comme «un exercice de relations publiques destiné à détourner l'attention des crimes commis», selon l'expression de son représentant en Asie, Andrea Giorgetta.
«La communauté internationale doit suivre avec attention ce qui va arriver à cette famille», a réagi Phil Robertson, de Human Rights Watch, qui a publié ces derniers mois des photos satellite montrant l'ampleur des destructions de villages rohingyas.
«Le problème principal c'est que la Birmanie n'offre toujours pas la citoyenneté ni un retour dans leurs villages d'origine" aux candidats au retour, a-t-il ajouté.
Le gouvernement birman assure de son côté qu'il «va vérifier avec eux quelles sont les difficultés rencontrées par les personnes ayant fui à cause des conflits» afin d'"améliorer le processus de rapatriement».
La question du retour des réfugiés est suivie de près par la communauté internationale, les ONG s'inquiétant de l'impréparation de la Birmanie, censée construire des camps d'accueil temporaires, les villages rohingyas ayant été souvent brûlés dans les violences.
La Birmanie accusait jusqu'ici le Bangladesh d'être la cause du retard dans le rapatriement, mais le gouvernement est confronté à une armée et une opinion publique, influencées par le nationalisme bouddhiste, largement opposées au retour des Rohingyas.
Deux ans pour rapatrier
Les deux pays se sont donné en janvier deux années pour régler la question du retour des Rohingyas.
Les inquiétudes portent notamment sur la situation actuelle en Birmanie, où des centaines de villages rohingyas ont été rasés par des soldats et des manifestants bouddhistes.
Et certains craignent que de nombreux réfugiés rohingyas ne soient durablement parqués dans des camps.
La Birmanie avait envoyé en février au Bangladesh une liste de plus de mille rebelles rohingyas présumés, accompagnée de photos, ajoutant aux inquiétudes sur le sort réservé à ceux qui voudraient éventuellement revenir.
Dans son communiqué samedi soir, le gouvernement birman s'en tient à la ligne habituelle, selon laquelle les réfugiés ont fui à cause des «violences terroristes», pas d'un nettoyage ethnique par l'armée.
Les violences de 2017 ont débuté après des attaques d'une rébellion rohingya, mais l'armée est accusée d'exactions de masse, meurtres, viols...
La Coup pénale internationale a menacé d'ouvrir une enquête sur cette «expulsion» massive.
Les réfugiés interrogés côté Bangladesh par l'AFP disaient tous leur peur de rentrer en Birmanie et préférer rester dans les immenses camps insalubres où ils vivent au Bangladesh.
Plus grande population apatride du monde depuis que la nationalité birmane leur a été retirée en 1982, sous le régime militaire, les Rohingyas sont victimes de nombreuses discriminations.
Ils n'ont pas de papiers d'identité et ne peuvent pas voyager ou se marier sans autorisation. Ils n'ont accès ni au marché du travail ni aux services publics comme les écoles et les hôpitaux.
Deux journalistes de Reuters sont emprisonnés et accusés d'«atteinte au secret d'Etat» pour avoir enquêté sur un massacre de musulmans rohingyas en 2017. Ils risquent 14 ans de prison.