Moscou a rejeté vendredi les informations de la presse britannique selon lesquelles la substance utilisée pour empoisonner l'ex-espion russe Sergueï Skripal, aurait été fabriquée dans une ville fermée de la région de la Volga.
De l'organisation sur les armes chimiques à La Haye à l'ONU à New York, la semaine a vu se poursuivre le dialogue de sourds entre la Russie et le Royaume-Uni, qui bénéficie du soutien sans faille des Occidentaux, sur cette affaire qui a provoqué une vague historique d'expulsions de diplomates.
Montrée du doigt, Moscou, qui a explicitement accusé les services secrets britanniques et américains de se trouver derrière cette attaque, reste ferme dans ses démentis.
Selon le quotidien britannique The Times, citant des sources dans les services de sécurité britanniques, l'agent innervant militaire utilisé pour empoisonner l'ancien agent double a été préparé à Chikhany, une ville fermée - interdite d'entrée sans autorisation officielle - de la région de Saratov (sud-ouest), près de la Volga.
Pour The Times, Chikhany ne serait pas moins qu'un «Porton Down russe», du nom du laboratoire militaire britannique spécialisé dans les recherches chimiques et biologiques.
«Toutes les bases où des armes chimiques ont été stockées sont bien connues. Chikhany n'est pas une d'entre elles», a balayé Mikhaïl Babitch, représentant du Kremlin dans le district fédéral de la Volga et ancien président de la Commission d'Etat russe pour le désarmement chimique, cité par Interfax.
Le nom de Chikhany n'est pas totalement inconnu. Cette ville fermée, où est installée une branche de l'Institut de recherches d'Etat pour la Chimie et les Technologie organiques (GNIIOKhT), a été citée par plusieurs scientifiques russes ayant travaillé sur le programme soviétique Novitchok, ce programme chimique soviétique montré du doigt par les Britanniques.
Vil Mirzaïanov, le chimiste qui avait révélé dans les années 1990 l'existence de ce programme désigné par Londres comme responsable de l'empoisonnement de Sergueï Skripal, a affirmé que le programme avait été mis au point dans les années 1980 à Chikhany.
Un autre scientifique russe, Leonid Rink, a affirmé en mars à l'agence de presse russe Ria Novosti qu'un «grand groupe de spécialistes développait le Novitchok à Moscou et à Chikhany», ajoutant que le système était nommé pendant la période soviétique "Novitchok-5".
«Le Novitchok n'est pas une substance, c'est tout un système d'armes chimiques», avait-il expliqué à Ria Novosti, qui le présentait comme l'un des concepteurs de ce programme avant d'amender son texte pour le définir comme un «des concepteurs de l'agent toxique qui a reçu le nom de Novitchok en Occident».
Armes chimiques
La Grande-Bretagne accuse la Russie de l'empoisonnement sur le sol anglais de l'ex-agent double russe Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia. Moscou dément fermement ces accusations, qui ont provoqué une grave crise diplomatique et une vague historique d'expulsions croisées de diplomates russes et occidentaux.
La confrontation entre Moscou et les Occidentaux a continué jeudi à l'ONU, où la Russie a accusé Londres de mener une campagne pour «discréditer» Moscou et «d'accuser sans preuve».
Ioulia Skripal, 33 ans, s'est réveillée la semaine dernière et a déclaré jeudi se sentir «de mieux en mieux chaque jour», selon un communiqué de la police britannique. «Elle a vraisemblablement reçu une toute petite dose», a déclaré au journal russe Novaïa Gazeta Vil Mirzaïanov, jugeant improbable que son père guérisse aussi rapidement.
Il est difficile d'établir où a été produit l'agent innervant qui a empoisonné les Skripal, a-t-il ajouté, précisant comprendre les accusations anglaises. «Aucun pays n'a autant d'expérience pour produire du Novitchok que l'URSS et maintenant la Russie», a-t-il déclaré.
Selon le site internet de l'Institut GNIIOKhT, sa branche de Chikhany est maintenant impliquée dans un travail relatif à «assurer la sécurité» du pays et à détruire des armes chimiques encore possédées par la Russie.
En septembre 2017, le président russe Vladimir Poutine a déclaré que Moscou avait détruit ses dernières réserves d'armes chimiques héritées de l'époque de la Guerre froide, conformément aux termes de la Convention de 1997 sur l'interdiction des armes chimiques.