Les représailles commerciales chinoises sur l'aéronautique, le soja et l'automobile touchent le coeur de l'économie des Etats-Unis où des voix s'élèvent pour dénoncer l'escalade des tensions qui affecteront consommateurs et entreprises américaines.
En réponse à la publication, mardi, par l'administration Trump d'une liste provisoire de produits importés de Chine susceptibles d'être soumis à de nouveaux droits de douane, Pékin a répliqué avec sa propre liste visant des importations du même montant annuel : 50 milliards de dollars.
Le géant asiatique a décidé de cibler cette fois des secteurs ou produits clés, qui pèsent le plus lourd dans les 130,4 milliards de dollars d'exportations américaines vers la Chine, en particulier le soja, l'automobile et l'aéronautique.
«Les représailles annoncées par la Chine vont affecter le commerce, les entreprises et les consommateurs», a résumé Gary Shapiro, président de l'Association des consommateurs du secteur technologique (CTA), soulignant que dans ce «combat d'éléphants», tout le monde allait être perdant.
L'association américaine des producteurs de soja (ASA) a immédiatement exprimé «son extrême frustration face à l'escalade de la guerre commerciale avec le plus grand client de soja américain» et exhorté «la Maison Blanche à reconsidérer les tarifs qui ont conduit à ces représailles».
Appel à poursuivre le dialogue
Les exportations américaines de soja vers la Chine ont représenté plus de 12 milliards en 2017. La Chine achète 61% des exportations de soja totales américaines et plus de 30% de la production américaine, a souligné l'ASA.
Le ministre américain au Commerce Wilbur Ross a néanmoins tenté de minimiser l'impact des mesures de rétorsion chinoises sur l'économie américaine. «Remettons-les en perspective», a-t-il déclaré sur CNBC. «Ces 50 milliards (...) représentent 3/10 de pourcentage de notre PIB», a-t-il dit.
Il a aussi renvoyé vers le tweet du président américain Donald Trump soulignant qu'avec plus de 500 milliards d'importations chinoises, la guerre commerciale avec la Chine était de toute façon perdue depuis longtemps.
Dans le secteur automobile où certains constructeurs, à l'instar de Tesla, ne disposent pas d'usine en Chine, les craintes sont palpables.
«Nous soutenons une relation commerciale positive entre les Etats-Unis et la Chine et exhortons les deux pays à continuer à engager un dialogue constructif», a déclaré le premier constructeur automobile américain General Motors, soulignant «l'interdépendance entre les deux plus grands marchés automobiles du monde». GM a vendu en février plus de véhicules en Chine qu'il ne l'a fait aux Etats-Unis.
Le conseil économique sino-américain rappelle dans une note que les exportations vers la Chine sont «vitales pour la croissance économique américaine».
La plupart des Etats américains ont vu leurs exportations vers le géant asiatique s'accroître fortement depuis 2006, selon les données de cet organisme regroupant des entreprises ayant des activités économiques avec la Chine.
Une trentaine d'entre eux (sur 50) ont vu leurs exportations de biens vers la Chine plus que doubler en dix ans. Quatre Etats ont même enregistré une hausse de 500% de leurs exportations: l'Alabama, le Montana, le Dakota du Nord et la Caroline du Sud.
«Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour que cela ne pénalise pas l'agriculture aux Etats-Unis en général, et pour l'Iowa en particulier», a déclaré à des journalistes le républicain Chuck Grassley, sénateur de cet Etat agricole et personnage incontournable du Congrès. Il avait déjà mis en garde les semaines précédentes contre une guerre commerciale avec la Chine.
Tango
Ces nouveaux développements ont d'abord fait plonger Wall Street à l'ouverture. Mais la Bourse de New York a finalement clôturé en hausse, rassurée par les propos du nouveau conseiller économique de Donald Trump, Larry Kudlow.
«Je comprends l'anxiété des marchés mais il ne faut pas sur-réagir», a-t-il déclaré sur Fox News. «Je pense qu'à la fin du processus (...) il y aura un pot d'or. Et si on ouvre ce pot, on trouvera plus de croissance économique, plus d'échanges commerciaux et une hausse des salaires des deux côtés», a-t-il affirmé.
Dans d'autres déclarations à la presse, Larry Kudlow a par ailleurs estimé que la probabilité que les taxes américaines sur la Chine puissent in fine ne pas être appliquées à l'issue du processus de négociation chinoises, «n'est pas nulle».
De son côté, l'ambassadeur de Chine aux Etats-Unis, Cui Tiankai, a souligné que la négociation restait la voie privilégiée. «Mais il faut être deux pour danser le tango. Nous verrons bien ce qu'ils (les Etats-Unis) vont faire», a-t-il déclaré à des journalistes en marge de discussion au département d'Etat.
Boeing s'est lui montré rassurant, soulignant que pour l'heure, aucun des deux pays n'avait mis en oeuvre les mesures drastiques annoncées. Le groupe américain s'est dit aussi «confiant dans le fait que le dialogue se poursuit».