L'Union européenne attend samedi 10 mars des «clarifications» sur les taxes douanières imposées par Donald Trump sur l'acier et l'aluminium et a mis en garde Washington contre le risque d'une guerre commerciale si elle n'est pas exemptée de ces mesures.
Le représentant au Commerce américain Robert Lighthizer est attendu en fin de matinée à Bruxelles pour une réunion avec la commissaire européenne au Commerce Cecilia Malmström et le ministre japonais de l'Economie Hiroshige Seko.
La délégation japonaise est arrivée peu avant 9h (heure locale) au siège de la Commission et a eu un premier entretien avec Mme Malmström, a indiqué à l'AFP une source européenne. Les Européens et les Japonais exigent d'être exemptés des taxes de 25% sur l'acier et de 10% sur l'aluminium décidées jeudi par Donald Trump et rejettent la condition d'un accord sur la sécurité imposée à l'Australie par le président américain.
Une «longue journée» en perspective
Le chef de l'Etat français Emmanuel Macron a mis en garde vendredi soir Donald Trump contre les conséquences de sa décision. «De telles mesures visant des pays alliés, qui respectent les règles du commerce mondial, ne seraient pas efficaces pour lutter (contre) les pratiques déloyales», a-t-il affirmé. «L'Europe répondra de manière claire et proportionnée contre toute pratique infondée et contraire aux règles du commerce mondial», a-t-il averti.
La rencontre de Bruxelles ne va pas tout résoudre, a averti vendredi le vice-président de la Commission européenne, Jyrki Katainen. Mais «nous avons besoin de clarifications» et d'entamer «un dialogue» avec les Etats-Unis, afin d'éviter l'escalade vers un conflit commercial global, a-t-il expliqué.
«La manière dont le processus d'exemption fonctionnera n'est pas très claire», a estimé M. Katainen. Mais «j'espère que personne ne s'attend à ce que nous fassions des concessions sur les questions commerciales», a-t-il averti. «Le discours de Donald Trump est du protectionnisme déguisé», a-t-il dénoncé. «Il ne s'agit pas d'une négociation commerciale. Ce dont nous parlons, c'est d'une action unilatérale contre les règles internationales. Nous voulons solder cela avant que ça devienne réellement un problème», a-t-il affirmé.
La journée de samedi «sera longue», a pour sa part prédit Mme Malmström. «Nous espérons que nous pourrons obtenir la confirmation que l'UE est exemptée». Dans le cas contraire, les contre-mesures sont prêtes. La plus immédiate, applicable en trois mois, consisterait à taxer lourdement, en guise de rétorsion, certains produits américains emblématiques, comme les jeans, les motos de grosse cylindrée ou le beurre de cacahuète, dont Bruxelles a établi une liste.
Un dépôt de plainte envisagé par l'Union Européenne
L'UE envisage également de mettre en oeuvre des mesures dites «de sauvegarde» pour protéger son industrie des importations étrangères d'acier et d'aluminium.
Elle prévoit, enfin, de déposer, le cas échéant, une plainte devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC), estimant que les mesures américaines, sous couvert de protéger la sécurité nationale, ne servent qu'à avantager ses entreprises. «Nous sommes des amis. Nous ne pouvons pas être une menace pour la sécurité nationale des Etats-Unis», a insisté Mme Malmström.
L'Europe, qui reste pour l'instant unie face à Washington, a exporté 5,3 milliards d'euros d'acier et 1,1 milliard d'euros d'aluminium en 2017 vers les Etats-Unis.Les alliés et les rivaux des Etats-Unis ont dénoncé depuis jeudi le net virage protectionniste américain et une attaque contre le libre-échange. L'Allemagne, un des plus grands pays exportateurs au monde, directement pointée du doigt par Donald Trump, a été particulièrement virulente, dénonçant «le protectionnisme» américain et un «affront» envers ses alliés.
Pour le ministère chinois du Commerce, il s'agit d'un «abus», et le chef de la diplomatie, Wang Yi, a promis une «réponse appropriée» en cas de guerre commerciale avec Washington. La Chine, de loin le premier producteur mondial d'acier, est régulièrement accusée d'être à l'origine de la surcapacité dans le secteur, en raison de ses subventions massives.
Aux Etats-Unis mêmes, l'annonce des droits de douane a suscité une fronde au sein du camp républicain de M. Trump.