Des milliers de civils ont fui samedi en Syrie où la guerre fait rage sur deux fronts, à Afrine, enclave kurde dans le nord-ouest du pays, et dans la Ghouta orientale, dernier fief rebelle aux portes de Damas.
Le régime de Bachar al-Assad, soutenu par son allié russe, pilonne sans relâche les zones insurgées dans la Ghouta, après avoir reconquis plus de 80% du fief rebelle grâce à une offensive meurtrière lancée le 18 février, qui a poussé les civils à prendre la fuite.
A Jisrine, une localité récemment reprise par le régime, des civils marchent au milieu des décombres, emportant quelques sacs de jute et des couvertures, selon un vidéaste collaborant avec l'AFP.
Des enfants suivent le mouvement de la foule, tenant la main de leurs mères. Une jeune femme, les traits tirés, avance avec peine, les mains cramponnées à son déambulateur.
Dans le même temps, des chars de l'armée syrienne traversent la localité d'où se dégagent ici et là des colonnes de fumées, vestiges des récents combats.
Au moins 37 civils, dont quatre enfants, ont été tués samedi par des raids aériens sur les zones de la Ghouta encore aux mains des rebelles, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Et pour échapper aux bombes et à la mort, plus de 20.000 personnes ont fui ces secteurs samedi. Depuis jeudi, quelque 50.000 personnes ont été forcées à l'exode, d'après l'OSDH.
Les civils n'ont pas d'autre choix que de fuir vers les zones contrôlées par le régime, malgré la crainte de représailles pour certains.
Sur un autre front de la guerre qui ravage la Syrie depuis 2011, un exode massif de civils est aussi en cours dans le nord-ouest du pays.
Plus de 200.000 personnes ont quitté depuis mercredi soir la ville d'Afrine, quasi encerclée par des forces turques et des rebelles syriens qui mènent depuis le 20 janvier une offensive contre une milice kurde syrienne.
«Pas de couvertures»
Cette situation illustre la complexité du conflit, qui a commencé avec la répression par le régime de manifestations prodémocratie, mais qui implique aujourd'hui de nombreux acteurs dont des puissances étrangères sur un territoire très morcelé.
La guerre qui est entrée dans sa huitième année a fait plus de 350.000 morts et des millions de déplacés et réfugiés.
Le régime s'est emparé samedi de nouvelles localités rebelles dans la Ghouta : Kfar Batna et Saqba, contrôlant désormais plus de 80% de l'enclave rebelle, divisée en trois secteurs isolés, selon l'OSDH.
Depuis la mi-février, les bombardements dans le dernier fief insurgé aux portes de Damas ont tué au moins 1.400 civils, dont 274 enfants, selon l'OSDH.
Devant l'afflux massif de civils, des centres d'accueil ont été hâtivement préparés à la périphérie de Damas.
«On n'a pas d'endroit où dormir, pas de couvertures, les femmes et les enfants sont installés à même le sol», déplore Abou Khaled, 35 ans, qui a trouvé refuge dans une école transformée en abri temporaire.
Les principaux groupes rebelles islamistes de la Ghouta orientale --Jaich al-Islam, Faylaq al-Rahmane et Ahrar al-Cham-- se sont dits prêts à des «négociations directes» avec la Russie, sous l'égide de l'ONU, pour obtenir une trêve.
A Douma, principale ville de l'enclave, des évacuations médicales se sont poursuivies samedi pour la cinquième journée consécutive, selon un correspondant de l'AFP.
Les rebelles dans la Ghouta tirent régulièrement des obus et des roquettes sur Damas. Samedi, un civil a été tué dans un tir d'obus sur la capitale, selon l'OSDH.
«Terrifiant»
A Afrine, où les forces pro-turques encerclent quasiment la ville, un seul corridor permet aux habitants de fuir par le sud, vers des territoires contrôlés par les Kurdes ou par le régime.
«La situation est terrifiante», affirme à l'AFP le directeur de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane. «Les civils continuent de fuir».
Des milliers de personnes ont rallié la localité de Zahra, en territoire gouvernemental. «Les gens dorment dans la rue, les mosquées, les écoles, certains même dans des voitures ou au bord de la route», a raconté un déplacé.
L'objectif affiché de l'offensive turque est de chasser de la région d'Afrine la milice kurde syrienne des Unités de protection du peuple (YPG)-- considéré comme un groupe «terroriste» par Ankara. Les YPG sont un allié clé de Washington contre Daesh en Syrie.
Samedi matin, 11 civils ont été tués dans un raid aérien turc alors qu'ils tentaient de fuir la ville, a rapporté l'OSDH.
La veille, 16 civils, dont deux femmes enceintes, avaient perdu la vie lorsqu'une frappe turque avait touché le principal hôpital de la ville d'Afrine, selon l'OSDH. L'armée turque a démenti. Des images de l'AFP montrent des dégâts devant l'hôpital.