A la tête du pays depuis dix-huit ans, le dirigeant réussit à fédérer chez lui, autant qu'il divise à l'international.
Un scrutin attendu, mais sans suspense. A deux jours du premier tour de l'élection présidentielle russe, la victoire de l'homme fort du Kremlin - actuellement crédité de 70 % d'intentions de vote - est jouée d'avance.
Vladimir Poutine, sur le point d'obtenir son quatrième mandat, qui le maintiendrait au pouvoir jusqu'en 2024, n'a jamais paru aussi inébranlable, sur la scène intérieure comme internationale. Preuve en est : alors qu'il est la cible de condamnations mondiales dans l'affaire de l'empoisonnement d'un ex-espion russe, il reste impassible. Sa marque de fabrique ? L'ordre et la stabilité qu'il incarne depuis 2000, même lorsqu'il avait été Premier ministre de Dmitri Medvedev, de 2008 à 2012.
Une méthode unique
"Un président fort pour un pays fort". Ce slogan, avec lequel Vladimir Poutine a fait campagne, symbolise ses dix-huit années à la tête du pays. En succédant à l'incontrôlable Boris Eltsine en 2000, il a tenu à incarner le retour à la stabilité. Sa politique lui a alors permis de redresser l'économie russe, minée par deux guerres en Tchétchénie et une difficile ouverture au marché (le PIB a triplé entre 2000 et 2006), et de prendre une revanche sur l'Occident.
"A travers ¬Poutine, la population russe a trouvé quelqu'un qui lui ressemble et qui la ¬défend", analyse Pierre Lorrain, écrivain et spécialiste du pays. Avec l'effondrement de l'URSS, le peuple s'est senti ¬humilié, et Poutine a changé, aux yeux des Russes, ce rapport de force, selon l'expert. Ainsi, un récent sondage publié dans le Washington Post a montré que 86 % des citoyens approuvent sa présidence.
Mais pour faire revivre cette grandeur russe, le dirigeant a muselé toute opposition. Son principal opposant, Alexeï Navalny, a ainsi été ¬déclaré inéligible jusqu'en 2024, en raison d'une condamnation judiciaire. Un ordre direct du Kremlin, d'après lui. Se mettant en scène comme un héros, quitte à frôler le culte de la personnalité, Poutine exporte son autoritarisme à l'étranger.
Malgré la réprobation de la communauté internationale, il n'a cédé ni sur l'annexion de la Crimée, en Ukraine, ni sur son soutien au régime de Bachar al-Assad, en Syrie. Depuis la fin de la guerre froide, rarement les tensions n'ont été aussi palpables entre l'Occident et la Russie. Mais cette mésentente ne fait en réalité que renforcer son emprise au sein du pays.
Les limites du pouvoir
Malgré cette apparente union derrière un leader fort, la nouvelle génération russe pourrait commencer à fissurer le système Poutine. Des jeunes qui, semblant s'émanciper de la propagande du Kremlin, se sont exprimés en nombre lors des différentes manifestations -organisées par Alexeï Navalny.
De plus, la Russie est de plus en plus acculée et isolée. En décembre dernier, l'Union -européenne a prolongé de six mois les dures sanctions économiques contre Moscou, accusé de soutenir les sépa¬ratistes ukrainiens. De même, le Comité international olympique a suspendu le pays des JO d'hiver de Pyeongchang, en février, pour dopage institution¬nalisé. Sachant que la limite de la ¬méthode Poutine réside peut-être en ¬Poutine lui-même.
Selon de nombreux spécialistes, le maître du Kremlin pourrait ne pas aller au terme de son potentiel nouveau mandat. Histoire de prouver, encore une fois, qu'il reste le seul à décider.