Des traces de contamination à l'agent innervant administré à un ex-espion russe et à sa fille ont été retrouvées dans un restaurant et un pub de Salisbury qu'ils ont fréquentés il y a une semaine, quand ils ont été empoisonnés dans des circonstances encore floues.
Les clients, jusqu'à cinq cents, s'étant rendus dans l'établissement de la chaîne de restauration Zizzi dans cette ville paisible du sud de l'Angleterre ou dans le Mill Pub le jour ou le lendemain de l'empoisonnement ont été invités par les autorités sanitaires à laver leurs affaires.
«Nous avons appris qu'il y a une contamination limitée dans le Mill Pub et le restaurant Zizzi à Salisbury», a déclaré Jenny Harries, directrice médicale adjointe de la Santé publique britannique (Public Health England) au cours d'une conférence de presse dimanche.
C'est là que Sergueï Skripal, 66 ans, et sa fille Youlia, 33 ans, avaient déjeuné puis pris un verre, peu avant d'être retrouvés inconscients sur un banc de la ville où habite l'ex-espion russe au service du Royaume-Uni.
«Tous ceux qui se sont rendus (dans ces établissements) peuvent être rassurés sur le fait que cette exposition limitée n'a pas mis leur santé en danger aujourd'hui», a poursuivi Mme Harries. «Toutefois, il peut y avoir un très petit risque pour la santé associé à un contact répété avec des affaires ayant pu être contaminées».
«A titre de précaution», elle a invité les clients ayant fréquenté l'un des établissements entre le dimanche 4 mars à 13H30 GMT et leur fermeture le lendemain à nettoyer leurs vêtements dans un lave-linge.
Ceux qui ne peuvent être lavés qu'à sec doivent être placés «dans deux sacs plastiques fermés» et «conservés de manière sûre» jusqu'à nouvel ordre. Pour les autres objets, comme les téléphones portables, sacs à main, lunettes et bijoux, il faut utiliser des lingettes ou, si ce n'est pas possible, les nettoyer manuellement à l'eau savonneuse.
Les fleurs ou le cadeau ?
Les autorités sanitaires se sont voulues rassurantes sur les dangers pour le grand public, qui demeurent «faibles».
Sergueï Skripal et Youlia se trouvaient dimanche dans un état «critique mais stable" à l'unité des soins intensifs, a dit pendant la conférence de presse Cara Charles-Barks, la directrice générale du service public de santé à Salisbury. Le policier hospitalisé après son intervention est «dans un état grave mais stable» bien qu'il soit «conscient».
L'homme et sa fille, visés «spécifiquement» selon la police, ont-ils été empoisonnés dans le pub ou dans le restaurant ? Ont-ils été suivis au cours de leurs déplacements en ville ? Le poison se trouvait-il dans un colis livré à leur domicile ou dans un bouquet de fleurs déposé au cimetière de Salisbury où reposent des parents ? Ou bien Youlia a-t-elle introduit elle-même l'agent innervant au Royaume-Uni en apportant de Moscou un «cadeau offert par des amis» en rendant visite à son père ?
Plusieurs pistes sont envisagées, selon la presse britannique, dans le cadre d'une enquête de grande ampleur en vue de tenter de faire la lumière sur l'empoisonnement, qualifié de «tentative de meurtre» par la police.
Réponse «molle»
C'est une enquête «complexe», a souligné dimanche le chef de la police de Wiltshire, Kier Pritchard.
La police, secondée sur le terrain par des militaires, a jusqu'ici identifié plus de 240 témoins et recueilli environ 200 éléments de preuve, outre une «énorme quantité» d'images de vidéosurveillance, avait déclaré la veille la ministre de l'Intérieur Amber Rudd à l'issue d'une réunion d'urgence du gouvernement.
La Première ministre britannique Theresa May avait promis jeudi de réagir de manière «appropriée» s'il s'avérait qu'un État était impliqué. Mais sa réponse est jugée trop «molle» par des poids lourds de son gouvernement, selon le Sunday Times, pour qui l'implication de Moscou ne fait aucun doute.
Le journal affirme que le chef de la diplomatie Boris Johnson mais aussi le ministre de la Défense Gavin Williamson et celui des Finances Philip Hammond l'exhortent à adopter une ligne dure envers la Russie et à annoncer des sanctions dès lundi.
Moscou a nié toute implication.
Marina Litvinenko, la veuve d'Alexandre Litvinenko, un ancien agent des services secrets russes et opposant à Vladimir Poutine empoisonné à Londres en 2006, a déploré sur la BBC que Londres n'ait «pas tiré les leçons du meurtre de mon mari».