L'enquête sur la double attaque de Ouagadougou progressait dimanche: un jihadiste présumé soupçonné d'avoir joué un role clé était entendu par la justice du Burkina Faso, qui soupçonne des complicités dans l'armée.
L'homme dont la nationalité n'a pas été révélée a été arrêté vendredi dans les heures qui ont suivi les attaques coordonnées contre l'état-major des armées burkinabè et l'ambassade de France à Ouagadougou, a déclaré à l'AFP une source gouvernementale.
Cet homme est soupçonné d'avoir participé à l'attaque de l'état-major général de l'armée, en plein centre de Ouagadougou et pourrait même être «un cerveau» de l'opération, a-t-on ajouté.
Les attaques ont fait sept morts parmi les forces de sécurité, selon un dernier bilan, et ont été revendiquées samedi soir par le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM) lié à al-Qaida disant agir en représailles à une opération militaire française antijihadiste au Mali.
D'autres assaillants «jihadistes ont peut-être pu s'enfuir» après l'attaque de l'état-major, situé dans le quartier très fréquenté du grand marché de Ouagadougou, selon la source gouvernementale. Les autorités ont de «très forts soupçons» qu'il y ait «des infiltrés dans l'armée» qui ont renseigné les jihadistes pour l'attaque de l'état-major, a ajouté la source burkinabè.
L'ambassade de France comme diversion ?
«Ils avaient une connaissance des habitudes et pratiques courantes au sein de l’état-major, ce qui explique la facilité avec laquelle ils ont accédé au sein de l’état-major par son accès de service, situé au dos de l’entrée principale», avait expliqué samedi une autre source gouvernementale.
Les enquêteurs se demandent si l'attaque contre l'ambassade de France n'était pas une «diversion» avant l'attaque contre l'état-major. Située dans la zone des ambassades, l'ambassade de France est très bien protégée. La tentative s'est d'ailleurs soldée par la mort des quatre jihadistes qui n'ont pas pu pénétrer dans l'enceinte diplomatique, a aussi expliqué la source gouvernementale. Toutefois, dans sa revendication, le GSIM a dit avoir agi «en réponse à la mort de plusieurs de ses dirigeants dans un raid de l'armée française dans le nord du Mali il y a deux semaines».
Le dernier bilan des attaques de vendredi fait état de sept morts parmi les forces de l'ordre burkinabè et plus de 80 blessés, ainsi que de neuf jihadistes tués, selon la première source gouvernementale. L'un des hommes tués avait été compté à tort dans un bilan précédent parmi les forces de l'ordre parce qu'il portait un treillis militaire. Il s'agissait en réalité d'un jihadiste, dont plusieurs étaient en uniforme, a précisé cette source.
D'autres incidents après l'attaque
Un procureur et quatre enquêteurs français étaient attendus dimanche à Ouagadougou pour participer à l'enquête sur la double attaque de vendredi, a par ailleurs indiqué la source.
L'activité reprenait normalement dimanche dans la capitale burkinabè, mais, signe de l'extrême tension qui persiste, deux incidents armés se sont produits, dont l'un a fait un mort. Vers 02h heures du matin (locales et GMT), une voiture avec trois hommes à bord a tenté sans succès de forcer un barrage dans la zone de la présidence du Burkina Faso, en périphérie de Ouagadougou, selon une deuxième source gouvernementale.
Deux hommes ont réussi à s'enfuir, le troisième a été arrêté par des membres de la sécurité présidentielle qui tenaient le barrage, à environ 1,5 kilomètre du palais présidentiel. L'homme arrêté a été abattu deux heures plus tard après avoir tenté de s'emparer de l'arme d'un de ses gardiens, selon cette même source. Les forces de l'ordre ratissaient la zone dimanche. Cet incident est apparemment sans lien avec l'attaque jihadiste, selon une source sécuritaire, car les hommes n'avaient pas d'armes.
Autre incident dimanche matin, des soldats ont effectué des tirs de sommation contre des passants qui voulaient franchir une barrière dans la zone de l'état-major, toujours totalement bouclée.
Une peur latente
Le GSIM est une organisation jihadiste regroupant depuis tout juste un an plusieurs entités du Sahel liées à Al-Qaïda. Le nouveau groupe est dirigé par le Touareg malien Iyad Ag Ghaly, chef Ansar Dine.
Le Burkina Faso est depuis 2015 la cible d'attaques jihadistes, qui ont déjà frappé sa capitale, sans jamais toutefois atteindre un tel niveau d'organisation. Dans la population, la nervosité restait palpable dimanche.
«La paix soit au Burkina Faso. En tout cas nous les croyants, nous allons prier beaucoup pour que les terroristes ne viennent plus au Burkina Faso», a déclaré une commerçante, Suzane Kouama.
Bouri Sawadogo, étudiant, souhaite «que ça s’arrête, parce que, à l’allure ou ça va, franchement, on a tous peur». «Notre Etat Major, c’est le coeur de Ouagadougou, le coeur du Burkina Faso qui fut attaqué», dit-il.