La justice irakienne a ordonné lundi l'expulsion d'une jihadiste française qu'elle a libérée après l'avoir condamnée à sept mois de prison pour "entrée illégale en Irak", un verdict clément qui tranche avec sa sévérité contre les accusés d'appartenance à Daesh.
Mélina Bougedir, 27 ans, avait été arrêtée cet été à Mossoul, l'ancien bastion de Daesh dans le nord du pays, avec ses quatre enfants, dont trois ont déjà été rapatriés. Sa peine prononcée lundi par la Cour pénale centrale de Bagdad est couverte par sa détention préventive et le tribunal a ordonnée qu'elle soit expulsée d'Irak.
A l'annonce du verdict, la Française a souri de joie. Elle a été plus chanceuse qu'une jihadiste allemande d'origine marocaine, condamnée à mort en janvier pour «soutien logistique et aide à une organisation terroriste», ou encore qu'une ressortissante turque qui a écopé dimanche de la peine capitale devant le même tribunal.
Vêtue d'une robe noire et d'une veste grise, coiffée d'un foulard mauve à motifs, Mélina Bougedir est entrée dans la salle d'audience en tenant dans ses bras son fils, un blondinet habillé d'un blouson rose. Face au président qui l'interroge, la jeune femme répond calmement en arabe qu'elle est «Française», qu'elle était «femme au foyer» à Mossoul et qu'elle est entrée en Irak «en octobre 2015».
«Je suis entrée en Syrie avec mon passeport français mais Daesh me l'a pris. Je suis restée quatre jours en Syrie puis je suis venue à Mossoul avec mon mari et mes quatre enfants», explique-t-elle. Elle affirme que son mari, «Maximilien», était «cuisinier chez Daesh» et qu'il a été tué lors de la bataille de Mossoul, la deuxième ville d'Irak, reprise aux jihadistes en juillet après neuf mois de combats.
«Elle restait à la maison»
Le président lui demande alors si elle regrette ce qu'elle a fait. «Oui» répond-elle en français avant de se reprendre en arabe: «Naam». Il lui demande alors si elle a un avocat et devant sa réponse négative il en commet un d'office. Ce dernier se borne à dire: «Elle était jeune, elle n'a pas participé à des acte de violence. Elle restait à la maison». Alors le président prend la parole: "Tu vas être condamnée en vertu de la loi sur les étrangers de 2017 car tu es rentrée sur le territoire irakien sans visa des autorités".
«Ta peine sera de sept mois de prison et puisque tu es en prison depuis depuis sept mois, tu vas être libérée immédiatement (...)», lui dit-il. Les autorités irakiennes ont proclamé en décembre la victoire militaire contre Daesh, qui avait fait trembler l'Irak pendant trois ans après s'être emparé du tiers du territoire.
Elles n'ont jamais indiqué le nombre de jihadistes faits prisonniers pendant la contre-offensive pour chasser Daesh des centres urbains. Mais selon des commandants irakiens et kurdes, des centaines de jihadistes se seraient rendus et des milliers d'autres seraient parvenus à se faufiler parmi les déplacés ou à rester sur place en retournant à la «vie civile».
Peine capitale
Dimanche, devant la Cour pénale centrale de Bagdad, une Turque a écopé de la peine capitale tandis que dix autres ainsi qu'une Azérie ont été condamnées à la prison à vie pour appartenance à Daesh. Âgées de 20 à 50 ans, elles avaient été arrêtées à Mossoul ou à Tal Afar, un autre bastion de l'organisation extrémiste dans le nord de l'Irak.
Toutes ont été condamnées sur la base de l'article 4 de la loi antiterroriste qui stipule que «toute personne qui commet, incite, planifie, finance ou assiste des actes de terrorisme sera punie d'une peine allant de 15 ans de prison à la peine de mort». Selon une sources de sécurité, 509 étrangères, dont 300 Turques sont détenues en Irak avec 813 enfants.
Quelques dizaines de Français soupçonnés d'avoir été membres de Daesh se trouvent actuellement dans des camps ou des prisons en Irak et en Syrie avec plusieurs dizaines de mineurs, d'après une source proche du dossier. Une jihadiste française de 28 ans est actuellement détenue à Bagdad avec sa fille, née sur place, dans l'attente d'un procès.
Fin janvier, ses avocats français avaient alerté le président Emmanuel Macron sur le fait qu'elle risquait la peine de mort.