Le Belge Roland van Hauwermeiren, ancien directeur au Tchad et en Haïti pour Oxfam, s'est défendu jeudi d'avoir organisé des orgies avec de jeunes prostituées en Haïti, rejetant ainsi une partie des accusations qui ont placé l'ONG au centre d'un scandale mondial.
«Je ne suis jamais entré dans un bordel, une boîte de nuit ou un bar» en Haïti, affirme le Belge de 68 ans, dans une lettre de quatre pages rendue publique sur le site web de la télévision privée belge VTM Nieuws.
«Il y a eu de nombreuses tentatives d'hommes et de femmes de pénétrer dans mon domicile avec toutes sortes d'excuses pour demander de l'argent, exiger un emploi ou encore offrir des services sexuels. Mais je n'ai jamais cédé à leurs avances», déclare-t-il.
L'ancien responsable d'Oxfam admet cependant, dans une enquête interne menée par l'ONG britannique, «avoir eu des contacts intimes à trois reprises à (s)on domicile».
«C'était avec une dame honorable et mature, pas une victime d'un tremblement de terre, ni une prostituée. Et je ne lui ai jamais remis d'argent», assure-t-il, ajoutant toutefois en avoir «profondément honte».
Oxfam est dans la tourmente depuis des révélations selon lesquelles des responsables de l'ONG, déployés en Haïti après le séisme meurtrier de 2010, auraient engagé des prostituées dans ce pays. Plusieurs employés de l'organisation sont également accusés de viols au cours de missions humanitaires au Soudan du Sud et d'abus sexuels au Liberia.
Il est reproché à la direction de la puissante organisation basée en Grande-Bretagne d'avoir sciemment dissimulé le scandale et laissé les salariés incriminés rejoindre d'autres ONG, sans mise en garde.
Dans des déclarations au quotidien populaire flamand Het Nieuwsblad, publiées jeudi, M. van Hauwermeiren a estimé que certains faits qui lui sont reprochés ont été «exagérés».
Roland van Hauwermeiren avait fait l'objet dès 2004 d'une plainte pour abus sexuel, lorsqu'il était en poste au Liberia pour l'ONG britannique Merlin. Après Oxfam, il avait rejoint l'ONG française Action contre la faim au Bangladesh, cette dernière déplorant ne pas avoir été prévenue.
Enquête en Haïti
Le gouvernement haïtien a annoncé de son côté jeudi qu'il allait lancer une enquête pour faire la lumière sur les accusations visant Oxfam. Il s'agit de «trouver les responsables, ceux qui sont impliqués dans cette affaire» et de faire en sorte que les coupables «soient punis conformément à la justice», a précisé le ministre haïtien des Affaires étrangères Antonio Rodrigue.
Les représentants d'Oxfam en Haïti avaient été convoqués par les autorités haïtiennes jeudi, mais la rencontre a finalement été reportée à la semaine prochaine, pour des raisons d'agenda.
Pour M. Rodrigue -qui comme tous les responsables du pays a découvert les faits par voie de presse- , Oxfam a manqué à ses obligations en n'informant pas les autorités de Port-au-Prince.
Le scandale a eu des répercussions jeudi jusqu'en Afrique du Sud, où l'ancien archevêque Desmond Tutu, prix Nobel de la paix, a annoncé jeudi qu'il renonçait à son rôle d'ambassadeur pour Oxfam. Dans un communiqué, Mgr Tutu se dit «profondément déçu par les accusations d'immoralité et de possible comportement criminel impliquant des travailleurs humanitaires» liés à l'ONG.
Il est également «attristé par l'impact de ces allégations sur des milliers de personnes qui soutenaient les bonnes causes d'Oxfam».
Desmond Tutu rejoint ainsi deux autres célébrités ayant annoncé qu'elles renonçaient à leur rôle d'«ambassadeur» d'Oxfam: l'actrice et chanteuse britannique Minnie Driver et le chanteur sénégalais Baaba Maal.
La polémique autour d'Oxfam éclabousse tout le secteur de l'humanitaire : mercredi, l'ONG Médecins sans frontières avait dévoilé avoir recensé 24 cas de harcèlement ou abus sexuels en son sein en 2017, un décompte dont elle a admis elle-même qu'il était sans doute sous-évalué.