Faux départ, querelle de drapeaux et cris : la réunion convoquée par la Russie entre représentants de la société civile et politique syrienne à Sotchi a exposé les divisions à surmonter pour poser les bases d'un règlement politique.
Cela fait des mois que la Russie tente de mettre dans une même salle, dans cette station balnéaire de la mer Noire, des représentants du pouvoir et de l'opposition. Et de transformer ainsi les succès militaires du régime de Bachar al-Assad, soutenu par l'aviation russe, en amorce de solution diplomatique au conflit qui a fait plus de 340.000 morts depuis 2011.
C'est avec des ambitions nettement revues à la baisse et peu d'espoir de progrès en l'absence des principaux groupes d'opposition, des Kurdes et des Occidentaux, qu'un «Congrès du dialogue national syrien» a finalement été convoqué mardi par Moscou, avec l'assentiment d'Ankara et Téhéran.
Dès son ouverture, il a tourné au psychodrame, confirmant quelques jours après l'échec des pourparlers organisés par l'ONU à Vienne, l'impasse dans laquelle se trouve le conflit.
Certains rebelles, qui s'étaient résignés à participer, ont découvert avec fureur à leur arrivée lundi soir à l'aéroport de Sotchi que le logo de la conférence ne comportait que le drapeau officiel syrien et pas celui créé par l'opposition au début du conflit, avec trois étoiles entre des bandes verte et noire.
Face à leur refus de quitter le terminal, où ils ont passé la nuit, les organisateurs ont accepté d'éteindre l'éclairage de certaines panneaux d'affichage et de changer leurs badges. Des feuilles blanches ont été placées sur certaines pancartes. En vain.
L'ouverture de la réunion a été reportée pendant deux heures, le temps que le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov téléphone deux fois à son homologue turc Mevlut Cavusoglu pour tenter de les convaincre.
Finalement, le groupe d'opposition syrienne qui était arrivé d'Ankara a accepté d'être représenté par la délégation turque, selon des sources diplomatiques turques. Et les rebelles ont décidé de reprendre l'avion.
«Refus catégorique»
«Les négociations se sont achevées sur notre refus catégorique de participer à Sotchi», a expliqué à l'AFP Ahmad al-Saoud, qui dirige la Division 13, un groupe rebelle soutenu par les Etats-Unis. «Cela fait presque 12 heures que nous sommes ici. (...) Nous attendons notre vol pour repartir».
Avec plus de deux heures de retard, Sergueï Lavrov a ouvert la réunion en lisant un message d'accueil du président russe Vladimir Poutine.
«Les conditions sont réunies pour tourner une page tragique de l'histoire du pays», a-t-il déclaré. «Seul le peuple syrien a le droit de déterminer le futur de son pays», a-t-il ajouté, fixant pour «objectif-clé de déterminer une vision générale des perspectives de surmonter cette crise».
Son intervention a été à plusieurs reprises interrompues par des cris, certains hostiles et d'autres scandant «Vive la Russie».
Moscou, qui avait lancé plus de 1.600 invitations, assure que la société syrienne est représentée dans son ensemble à Sotchi. Mais la plupart des participants sont affiliés soit au parti Baas au pouvoir, qui fait office de représentant du régime, soit à ses alliés, soit à l'opposition dite «tolérée».
Le Comité des négociations syriennes (CNS), qui représente les principaux groupes d'opposition, a annoncé son refus de participer après l'échec des discussions à Vienne.
Les Kurdes, qui ont établi une autonomie de facto dans le nord de la Syrie, ont également refusé l'invitation, accusant Moscou d'avoir donné son accord à l'offensive turque qui vise depuis le 20 janvier leur enclave d'Afrine.
La Russie s'est imposée comme un acteur majeur du conflit syrien avec son intervention militaire lancée en septembre 2015 qui a permis à Bachar al-Assad de reprendre l'avantage sur le terrain. Elle a parrainé avec l'Iran et la Turquie les pourparlers d'Astana qui ont abouti à la création de «zones de désescalade» permettant d'abaisser les tensions sur le terrain mais elle peine à transformer ces résultats en avancées politique.
Outre la réticence de l'opposition et le refus d'Ankara d'y intégrer les Kurdes, les Occidentaux se sont montrés sceptiques quant à cette initiative russe. Ils craignent qu'elle n'affaiblisse les discussions sous l'égide de l'ONU à Genève et ne vise à obtenir un accord de paix avantageant le régime de Damas, qui a repris l'avantage sur le terrain grâce au soutien militaire russe et iranien.