La dispersion dimanche des marches des catholiques contre le maintien du président Joseph Kabila au pouvoir en République démocratique du Congo a fait six morts selon l'ONU, alors que les autorités n'ont reconnu le décès que de deux personnes.
Dans tout le pays, au moins 49 personnes ont été blessées et plus d'une centaine arrêtées lors de ces «marches pacifiques» organisées à l'appel d'un collectif catholique après les messes du dimanche, selon un bilan provisoire de la Mission des Nations unies au Congo (Monusco).
Neuf policiers ont été blessés dont «deux grièvement», selon un bilan de la police congolaise.
Les décès ont tous été comptabilisés à Kinshasa, alors que des blessés et des arrestations ont été relevés dans tout le pays, a précisé la mission onusienne.
Les forces de sécurité ont utilisé des gaz lacrymogènes mais aussi des balles réelles, selon la Monusco - qui avait annoncé l'envoi d'observateurs sur le terrain - et des témoins dont des journalistes de l'AFP.
A Kinshasa, une jeune femme de 24 ans est décédée après un tir de rafales d'une «auto-mitrailleuse" visant l'entrée de l'église Saint-François-de-Salles dans la commune de Kintambo, a déclaré à l'AFP le médecin, ex-ministre et opposant Jean-Baptise Sondji.
Le décès a été confirmé à l'AFP par le père de la jeune fille, qui dit être officier de police.
«Que les médiocres dégagent»
Une deuxième personne a été victime d'un tir à bout portant d'un policier, selon une source proche de la présidence.
«Le policier est arrêté et doit être déféré à la justice», a indiqué Yvon Ramazani, chargé de mission à la communication de la présidence, dans un appel à l'AFP.
D'importantes forces de l'ordre ont aussi été déployées dans les principales villes congolaises où internet a été coupé dans la nuit.
Les autorités congolaises avaient une nouvelle fois interdit les marches à l'appel du collectif qui avait organisé une initiative similaire le 31 décembre dernier pour réclamer au président Kabila de déclarer publiquement qu'il ne briguera pas un troisième mandat, ce que lui interdit la Constitution.
Son deuxième et dernier mandat a pris fin le 20 décembre 2016 et les prochaines élections présidentielles ne sont prévues que le 23 décembre 2018.
La répression du 31 décembre avait fait six morts dont cinq à Kinshasa, selon l'ONU et la nonciature apostolique, aucun d'après les autorités.
Depuis, l'Église catholique a durci sa position contre le régime du président Kabila au pouvoir depuis 2001, dénonçant la «barbarie» de la répression et demandant «que les médiocres dégagent».
Sur le terrain, les marcheurs ont opposé plus de résistances aux policiers armés que le 31 décembre, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Dans le centre de Kinshasa après la messe, plusieurs centaines de personnes avec des rameaux et des bibles ont marché sur deux kilomètres entre la paroisse Christ-Roi vers la place Victoire avant de se heurter aux forces de l'ordre.
«Maman Marie vient sauver le pays»
Les marcheurs portaient des crucifix et des chapelets et chantaient en lingala «Maman Marie, viens sauver le pays». Des curés et un des leaders de l'opposition, Vital Kamerhe, avaient pris la tête du cortège.
D'abord inactive, la police a tiré des gaz lacrymogènes, auxquels les manifestants ont répondu par des jets de pierre, a constaté un journaliste de l'AFP.
Dans une paroisse voisine, à Saint-Joseph, au moins 16 personnes ont été blessées, dont quatre grièvement, parmi lesquelles deux par balles, a indiqué à l'AFP une infirmière du centre médical Mgr Léonard, près de l'église Saint-Joseph, dans une autre commune populaire de Kinshasa.
Dans les provinces, la Monusco a dénoncé 24 «arrestations arbitraires» de membres du collectif citoyen Lutte pour le changement (Lucha) dans l'Est, à Beni, dans le Nord-Kivu.
Onze personnes ont été blessées à Kisangani (nord-est), selon la même source. Dans cette ville, des jeunes ont tenté de résister aux forces de sécurité en brûlant des pneus dans le centre, selon un correspondant de l'AFP et des témoins. Des marches ont tenté de se reconstituer après leur dispersion, selon un autre correspondant de l'AFP.
A Goma, dans l'est, des fidèles ont également été dispersés par la police à coup de gaz lacrymogènes en sortant de la cathédrale, selon un correspondant de l'AFP.
La RDC interdit toute manifestation depuis les journées sanglantes de septembre 2016, qui avaient fait des dizaines de morts parmi les manifestants réclamant le départ de Joseph Kabila d'ici la fin de l'année.