La RD Congo a connu un dimanche mouvementé avec des tirs de l'armée à Kinshasa et des messes dispersées dans des églises à coup de gaz lacrymogènes après l'appel des catholiques à manifester contre le maintien du président Joseph Kabila.
Coupure internet, déploiement sécuritaire, barrages policiers : les autorités congolaises ont sorti l’artillerie lourde pour étouffer les «marches pacifiques» des catholiques contre le chef de l'Etat, malgré l’appel des Nations unies et des chancelleries au respect du droit à manifester.
Les forces de l'ordre ont recouru à la force pour empêcher la «marche pacifique» organisée par les catholiques congolais, un an jour pour jour après la signature sous l'égide des évêques d'un accord prévoyant des élections fin 2017 pour organiser le départ du président Joseph Kabila.
Toute l'opposition et la société civile qui réclament le départ du président Kabila (46 ans) dès ce 31 décembre 2017 s'est jointe à l'appel à cette marche à hauts risques, interdite par les autorités comme les précédentes manifestations organisées en République démocratique du Congo.
Dans un pays majoritairement catholique où les habitants survivent avec moins de un dollar par jour, c'est en pleine prière au coeur des églises que les forces de sécurité ont fait irruption.
«Alors que nous étions en train de prier, les militaires et les policiers sont entrés dans l'enceinte de l'église et ont tiré des gaz lacrymogènes dans l'église» où se déroulait la messe, a déclaré à l'AFP un chrétien de la paroisse Saint-Michel, dans la commune de Bandalungwa , dans le centre de Kinshasa.
La messe continue
«Des gens sont tombés, les secouristes étaient en train de réanimer des vielles dames, mais le prêtre n'a pas arrêté de dire la messe, elle s'est poursuivi avec les chrétiens qui n'ont pas fui», a affirmé Chantal, une autre paroissienne.
A la cathédrale Notre-Dame du Congo, à Lingwala, quartier populaire du nord de Kinshasa, les forces de sécurités ont également tiré des gaz lacrymogènes à l'arrivée du leader de l'opposition Félix Tshisekedi, selon des journalistes de l'AFP.
Des militaires sont ensuite entrés dans l'enceinte de la principale église de la capitale, demandant aux gens d'évacuer les lieux. Au moins une quinzaine de personnes ont été blessées.
Le curé a demandé aux chrétiens de «regagner (leurs) domiciles dans la paix parce que il y a un dispositif impressionnant des militaires et policiers prêts à tirer» mais les fidèles étaient réticents à quitter les lieux.
A Kinshasa, les catholiques du «comité laïc de coordination» ont invité les fidèles à marcher, bibles, chapelets et crucifix à la main, après la messe de ce dimanche matin.
A Kananga, au Kasaï, dans le centre du pays, un homme a été tué par balles par des militaires qui ont ouvert le feu sur des chrétiens catholiques en marge d'une marche anti-Kabila dont le mandat a expiré depuis décembre 2016.
Ils demandent au président Joseph Kabila de déclarer publiquement qu'il ne sera pas candidat à sa propre succession.
Ils souhaitent aussi un «calendrier électoral consensuel» à la place de l’actuel, qui prévoit des élections le 23 décembre 2018 pour remplacer le président Kabila, dont le dernier mandat a pris fin le 20 décembre 2016.
Internet coupé
Les autorités congolaises ont coupé l'internet «pour des raisons de sécurité d’État» avant cette marche, a constaté dimanche l'AFP.
Au cours de la nuit, l'armée et la police se sont déployées massivement devant les paroisses de Kinshasa, la capitale aux quelque 10 millions d'habitants.
Les forces de sécurité ont également installé des barrages dans plusieurs communes de la ville, comme Lingwala, selon ce journaliste. L'armée et la police contrôlaient et fouillaient les véhicules.
De son côté, Kinshasa a affirmé avoir été informé d'une «distribution d'armes» destinée à déstabiliser le régime.
Ces «armes de guerre ont été distribuées pour s'en prendre à la paisible population et à diverses personnalités publiques», vandaliser les édifices publics, a déclaré le porte-parole du gouvernement Lambert Mende à la télévision publique.
«Cette agitation déstabilisatrice (vise à) créer une situation insurrectionnelle qui leur permettrait de capturer le pouvoir par des voies non démocratiques», a ajouté M. Mende. Le président Kabila ne s'est pas exprimé.
Journalistes menacés
Devant l'église Saint-Michel dans le quartier populaire de Bengalou, une équipe de l'AFP a été menacée par un officier congolais.
«Si vous ne videz pas les lieux, j'ordonne qu'on tire sur vous», a lancé cet officier.
«Moi je ne suis pas de la police, c'est l'armée. Presse ou pas, personne n'entrera. En plus vous êtes avec un Blanc, une race qui nous crée des problèmes. Si vous résistez, on va tirer», a-t-il ajouté.
La très puissante conférence épiscopale (Cenco) tout comme le représentant du Vatican en RDC n’ont pas soutenu officiellement ces marches mais ne les ont pas rejetées non plus. «Aucun évêque ne condamne cette marche», aurait fait savoir l’épiscopat d’après le site d’information Diacenco.
Cette marche sera suivie de près par la Mission des Nations unies au Congo (Monusco) et par les chancelleries qui demandent en vain au régime de Kinshasa de respecter la liberté de manifester.
«L’UE, les Etats membres, la Monusco et les collègues de la communauté internationale observeront attentivement les événements (de dimanche) en RDC», a tweeté le délégué de l’Union européenne à Kinshasa, Bart Ouvry.
Le 11 décembre le Conseil des Affaires Étrangères de l’UE appelait au respect de la liberté de réunion & de manifestation pacifique: UE avec collègues des états membres, #MONUSCO & collègues de la communauté internationale observeront attentivement les événements de demain en RDC pic.twitter.com/PqhQdHoxxC
— Bart Ouvry (@BartOuvry) 30 décembre 2017