Le chef de la diplomatie britannique Boris Johnson cherchait vendredi avec son homologue russe Sergueï Lavrov à surmonter des années de tensions pour trouver des terrains d'entente sur la Corée du Nord, le programme nucléaire iranien et l'avenir de la Syrie.
Boris Johnson a été reçu à la résidence du ministère des Affaires étrangères pour la première visite d'un chef de la diplomatie britannique depuis plus de cinq ans, signe de l'état catastrophique des rapports entre les deux capitales, plombées par la mort de l'ex-agent russe Alexandre Litvinenko en 2006 à Londres et plus récemment par le conflit syrien et la crise ukrainienne.
«Ce n'est un secret pour personne que nos relations sont à un niveau fragile», a déclaré Sergueï Lavrov, tout en reprochant implicitement à Boris Johnson d'«évoquer (ses) inquiétudes en public plutôt que face à face». Disant espérer un dialogue «franc et direct» avec son homologue britannique, Sergueï Lavrov a dit vouloir travailler en faveur de «mesures concrètes» pour recoller les morceaux d'une relation très dégradée. «Je suis convaincu que nous pourrons analyser les tendances positives qui émergent en affaires et en culture» dans la coopération entre les deux pays, a-t-il ajouté, disant vouloir le «respect mutuel».
Boris Johnson a de son côté reconnu que les «choses n'étaient pas simples» avec la Russie, disant vouloir avoir une «conversation franche» sur l'Ukraine et «ce qu'il se passe dans le cyberespace», où la Russie est accusée de piratages et d'ingérence. «Je pense que nous pouvons trouver une coopération positive sur des problèmes sur lesquels nous avons des intérêts substantiels en commun, tel que l'Iran, la nécessité d'empêcher la Corée du Nord de développer son arme nucléaire et l'avenir de la Syrie», a-t-il indiqué.
Johnson a également salué la coopération avec la Russie en amont du Mondial-2018, ainsi que les «signes de progrès économique». «Les choses sont difficiles mais nous souhaitons travailler avec vous sur certains problèmes», a-t-il lancé.
«Activités déstabilisatrices»
Londres avait déjà indiqué jeudi que Johnson allait faire passer le message à Moscou que «la relation avec la Russie ne peut être 'comme si de rien était'», et lui intimera de «cesser ses activités déstabilisatrices», selon un communiqué du Foreign Office.
Les vues des deux capitales s'opposent notamment sur l'Ukraine, où Londres accuse Moscou de soutenir les séparatistes prorusses dans l'Est, et sur la Syrie, où la Russie se voit reprocher son soutien sans failles au régime de Damas. Une précédente visite de Boris Johnson en Russie, prévue en avril, avait ainsi été annulée à la dernière minute par Londres en raison de «la défense continue par la Russie du régime de Bachar al-Assad» en Syrie, notamment après l'attaque chimique de Khan Cheikhoun, imputée à Damas par les Occidentaux.
En novembre encore, la Première ministre britannique Theresa May avait dénoncé des actes «hostiles» de la Russie, citant la crise ukrainienne ou encore les campagnes de «cyber-espionnage» et l'«ingérence» lors de processus électoraux. Une commission de la chambre des Communes britannique mène actuellement une enquête sur le rôle joué par une possible ingérence russe dans le vote sur le Brexit et lors des législatives de juin 2017 au Royaume-Uni.
Dans un entretien à l'agence russe Sputnik, Boris Johnson a indiqué que Londres ne disposait «pas vraiment de preuve d'une interférence russe qui aurait réussi». Sollicités, Facebook et Twitter ont affirmé n'avoir trouvé qu'une quantité infime de publicités financées depuis la Russie sur le thème du Brexit, mais ces résultats ont été jugé «insuffisants» à Londres.
Connu pour son franc-parler, Boris Johnson, alors qu'il était maire conservateur de Londres, avait qualifié en 2015 Vladimir Poutine de «tyran manipulateur et impitoyable». Il avait également à l'occasion comparé la Russie à la cité antique de Sparte : «fermée, vilaine, militariste et antidémocratique».