Après la déferlante des soldes du Black Friday, une autre importation anglo-saxonne fait sensation à l'approche des fêtes de fin d'année : le très kitsch pull de Noël, avec ses motifs de flocons, têtes de rennes et couleurs criardes.
Clin d'oeil aux bons vieux chandails qui grattent, tricotés par grand-mère, ce vêtement disgracieux est devenu un «must» des festivités entre amis ou collègues de bureau, et l'occasion d'organiser des concours.
En vogue depuis le début des années 2000 en Amérique du Nord et au Royaume-Uni, le pull moche de Noël («Ugly Christmas sweater/jumper») a même une journée dédiée, célébrée cette année vendredi. Distribué par de grandes marques de prêt-à-porter internationales, il s'exhibe fièrement sur les réseaux sociaux, où les versions pour chiens se taillent aussi un franc succès. Et la tendance a gagné la France, où se multiplient les fêtes d'entreprise et soirées sur ce thème.
«Les gens sont ravis. Ils nous disent 'génial, moi j'ai un pull (de Noël) ou je voulais en acheter un, ça tombe bien'», raconte à l'AFP Aurélien Wiik, comédien de 37 ans et organisateur de soirées dans le cadre de la plateforme «Excuse my party», le Airbnb de la fête. Le 8 décembre, il a rassemblé dans son loft de Saint-Ouen, en banlieue parisienne, quelque 90 convives âgés de 22 à 35 ans, vêtus de pulls bariolés bardés de pompons, sapins et elfes, pour une ambiance «vin chaud, cocktails et guirlandes lumineuses».
Du PSG au Musée Grévin
Tout le monde s'y met : du PSG, qui a sorti deux modèles de pulls, jusqu'au musée Grévin, qui en a habillé ses fameuses statues de cire. Le WWF le propose en version écolo, avec des motifs alertant sur le changement climatique. Il se décline même en housses pour sièges auto, fruit d'une collaboration entre des tricoteuses de la Manufacture de Roubaix et Norauto. A Albi, un «championnat du monde du pull moche» a été organisé fin novembre dans le cadre d'un salon du vintage.
Pour prouver que pull de Noël peut rimer avec style, la division mode du géant américain Amazon a demandé à trois fashionistas londoniennes de porter quelques-uns de ses modèles. «La tendance s'est réellement installée cette année», constate Bénédicte Trentesaux, directrice de l'offre exclusive web chez Kiabi, chaîne française d'habillement qui a «décidé de jouer à fond le sujet» sur internet.
Le «pari a très bien fonctionné», assure la responsable, sans pouvoir donner de chiffre sur ce marché en particulier. "Il y a trois ans, les ventes étaient mauvaises, le côté kitsch rigolo de Noël, à contre-courant des tenues sophistiquées» ne prenait pas, rappelle-t-elle. Pour les marques, ce pull de Noël est du pain bénit : il est devenu un élément supplémentaire d'«une panoplie», juge Dinah Sultan, consultante au bureau de tendances Peclers Paris : «on achète le sapin, les décorations, les cadeaux, et le Christmas sweater».
Cette mode, qui illustre "un côté retour à l'enfance et une certaine nostalgie», fait surtout recette auprès des «Millennials» (les 15-35 ans), «génération de consommateurs connectée, plus internationale dans ses références culturelles», souligne Vincent Chabault, auteur de «Sociologie de la Consommation» (Dunod, 2017).
Comme le Black Friday, qui fait désormais florès en France, ces pulls de Noël participent d'un concept marketing appelé «'retailtainment', contraction entre retail (commerce) et entertainment (divertissement), orchestré par les marques : l'idée est de vivre un moment court, intense, médiatisé, une communion autour d'un phénomène commercial».