Setsuko Thurlow n'avait que 13 ans lorsque la première bombe nucléaire de l'histoire a été larguée sur sa ville d'Hiroshima le 6 août 1945, à un kilomètre et demi de l'endroit où elle se trouvait.
Plus de 62 ans après cet horrible jour, elle se rendra en décembre à Oslo pour accepter le prix Nobel de la Paix, au nom de la lauréate de cette année, la Campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires (ICAN), une organisation dont elle est l'ambassadrice.
«Je me souviens d'un éclat de lumière bleuté. Mon corps a été soufflé dans les airs, je me souviens de cette sensation de flotter», raconte-t-elle à l'AFP. Elle s'est soudainement retrouvée coincée sous des décombres, avec des dizaines d'autres personnes, jusqu'à ce qu'un inconnu l'aide à s'en sortir.
«La ville que j'ai vue était indescriptible», se remémore-elle. «Je n'étais qu'une lycéenne de 13 ans, et je venais de voir ma ville détruite. C'était devenu une ville morte».
Un étrange silence pesait sur la ville, la poussière ayant fait disparaître le soleil matinal d'une belle journée d'été.
«Personne ne criait, personne ne courait. Les survivants n'en avaient pas la force physique ou mentale. Tout au plus étaient-ils capables de quémander de l'eau d'une voix à peine audible».
L'explosion nucléaire d'Hiroshima a tué environ 140.000 personnes et celle de Nagasaki, trois jours plus tard, 80.000 autres.
«Souvenirs douloureux»
Setsuko Thurlow a désormais 85 ans et vit au Canada. Elle raconte son histoire à qui veut l'entendre, tant aux écoliers qu'aux plus hauts diplomates, dans l'espoir de les sensibiliser aux horreurs de la guerre nucléaire et de freiner la prolifération des armes de destruction massive.
Cette Canadienne d'origine japonaise s'est faite ambassadrice de la campagne internationale depuis son lancement en 2007, jouant un rôle majeur dans les négociations qui ont mené l'ONU en juillet à adopter un traité posant pour la première fois l'interdiction de l'arme atomique.
«Je rappelle continuellement ces souvenirs douloureux, pour que les gens qui n'ont jamais vécu une telle dévastation puissent comprendre (...), pour qu'ensemble, nous puissions empêcher que cela se reproduise un jour», explique-t-elle.
L'état du monde actuel ne rassure pas cette femme qui n'a cessé de dénoncer la prolifération des armes nucléaires depuis la Seconde guerre mondiale. «Le monde est un endroit bien plus dangereux aujourd'hui», estime-t-elle.
Fustigeant les joutes verbales entre le président américain Donald Trump et le leader de la Corée du Nord Kim Jong-Un, elle critique par ailleurs le Premier ministre canadien Justin Trudeau pour ne pas avoir signé le traité adopté à l'ONU.
Pour elle, la situation dans la péninsule coréenne «est très effrayante, particulièrement pour quelqu'un comme (elle), qui a vécu le premier bombardement atomique». «Je suis très inquiète. (...) Je suis très préoccupée», insiste-t-elle.
L'octogénaire presse les citoyens partout dans le monde à s'impliquer pour contrer la prolifération des armes nucléaires.
«Nous devons tous faire notre part, il ne faut surtout pas laisser cela aux seuls survivants de Hiroshima et de Nagasaki, eux dont les souvenirs s'estompent». «Aucun autre être humain ne devrait jamais avoir à vivre la violence des armes nucléaires. Plus jamais».