L'Académie américaine du cinéma, qui remet notamment les prestigieux Oscars, a décidé d'exclure de son sein le producteur déchu Harvey Weinstein, accusé de harcèlement, agression ou viol par une trentaine de femmes.
Les 54 membres du conseil de direction de l'Académie des arts et des sciences du cinéma, réuni en urgence, ont «voté (cette décision) bien au-delà de la majorité requise des deux tiers», a annoncé samedi l'institution phare de Hollywood dans un communiqué.
«Non seulement nous prenons nos distances avec quelqu'un qui ne mérite pas le respect de ses collègues, mais nous envoyons un message pour affirmer que le temps de l'ignorance délibérée et de la complicité honteuse vis-à-vis des comportements d'agression sexuelle et du harcèlement sur le lieu de travail dans notre industrie est terminé».
Selon les médias spécialisés Variety et The Hollywood Reporter, un seul membre a été expulsé en 90 ans d'existence de la vénérable institution : Carmine Caridi, acteur qui avait fait circuler des copies confidentielles de films retrouvées sur internet.
Harvey Weinstein, 65 ans, qui a longtemps fait la pluie et le beau temps à Hollywood, s'est transformé en véritable paria depuis la parution la semaine dernière d'enquêtes dans le New Yorker et le New York Times déclenchant des accusations à la chaîne.
Cinq actrices l'ont accusé de viol, dont Asia Argento et Rose McGowan. La dernière en date est l'actrice britannique Lysette Anthony, 54 ans, qui raconte avoir été violée par le producteur dans les années 80.
Angelina Jolie, Gwyneth Paltrow, Mira Sorvino, Lea Seydoux, Judith Godrèche, Ashley Judd, Rosanna Arquette, font partie des actrices qui depuis quelques jours ont brisé l'omerta d'un comportement qui durait depuis plusieurs décennies et qui semblait connu de presque tous à Hollywood, sans que personne n'agisse pour faire cesser les agissements de celui que Meryl Streep a un jour surnommé «Dieu».
«La fin d'une époque»
Vendredi, l'actrice française Marlène Jobert a révélé sur Europe 1 que sa fille, la «James Bond Girl» Eva Green a, elle aussi, «été victime de cet horrible bonhomme».
Weinstein a soutenu par l'intermédiaire d'une porte-parole que ses relations étaient consenties.
Rapidement après ce vote, l'actrice américaine Mia Farrow, qui est également la mère de Ronan Farrow, l'auteur de l'article du «New Yorker» qui a révélé l'affaire, a réagi à cette exclusion. Elle se dit sur Twitter «fière» de l'Académie des Oscars. «Harvey Weinstein est dehors. Il y en a d'autres mais nous espérons voir la fin d'une époque», a écrit la comédienne qui a été l'épouse de Woody Allen.
Une autre institution d'Hollywood, le syndicat des producteurs américains, se réunissait également samedi pour décider d'éventuelles «procédures disciplinaires». L'Académie du film britannique, sans aller jusqu'à l'exclure, a suspendu son statut de membre.
Harvey Weinstein et son frère Bob ont gagné 81 Oscars lors de leur carrière chez Miramax et la Weinstein Company (TWC), maisons de production qu'ils ont co-fondées, d'après le site de TWC. Harvey a remporté l'Oscar du meilleur film pour «Shakespeare in love».
Bob Weinstein a déclaré samedi dans une interview au Hollywood Reporter qu'il savait que son frère trompait sa femme mais qu'il ignorait l'étendue de son comportement «malade et dépravé».
«On fait tous des erreurs»
Weinstein n'a pas fait d'apparition publique depuis le début de l'affaire. Sur une vidéo, diffusée par ABC, il affirme «ne pas aller bien mais essayer» d'aller mieux. «Je dois chercher de l'aide. Vous savez, on fait tous des erreurs», lance-t-il.
L'Académie des Oscars s'était déjà trouvée dans la tourmente ces dernières années à cause d'accusations de discrimination ethniques dans les nominations d'acteurs, sans oublier le fiasco de la dernière cérémonie, où le mauvais lauréat de l'Oscar du meilleur film a initialement été annoncé.
Le sort de la maison de production de Weinstein est désormais très incertain. Les rumeurs de vente ou faillite courent dans la presse spécialisée et les projets de TWC tombent à l'eau les uns après les autres.
Le réalisateurs vedette Oliver Stone, après avoir d'abord semblé défendre Weinstein, s'est rétracté et s'est retiré d'un projet de série, «Guantanamo», tant que TWC y sera associée.
Amazon Studio, branche audiovisuelle du géant internet, a confirmé à l'AFP l'abandon d'un projet de série du metteur en scène star David O'Russell («Happiness Therapy») et continue un autre projet, une série sur les Romanov, sans TWC.
Parmi les dernières célébrités à être sorties de l'ombre, la top-modèle Angie Everheart a déclaré que le producteur l'avait forcée à le regarder se masturber sur un yacht. «Je l'ai dit à tout le monde», assure celle qui a obtenu pour toute réponse : «Oh, c'est juste Harvey».
Retrait de la Légion d'honneur ?
Par ailleurs, le producteur pourrait également se voir retirer la Légion d'Honneur. En effet, l'Elysée serait en train d'étudier les recours pour retirer au producteur américain la Légion d'honneur, selon les révélations de Buzzfeed ce samedi 14 octobre.
«On ne peut pas décider d'un retrait comme ça, il faut une condamnation ou un acte contraire à l'honneur», fait savoir l'Elysée à nos confrères. Avant de préciser que «ce qui est certain, c'est que nous sommes dans ce deuxième cas pour Harvey Weinstein.»
«Nous allons dès maintenant initier des discussions avec la Grande Chancellerie pour évoquer le cas d'Harvey Weinstein», a poursuivi la présidence. «C'est elle ensuite, qui doit étudier le dossier», même si la décision finale reviendra au gouvernement.