L'ex-président géorgien Mikheïl Saakachvili, devenu opposant au gouvernement de Kiev, est entré de force dimanche en Ukraine, où il compte participer aux élections
Il défi ainsi la décision du chef de l'Etat Petro Porochenko de le déchoir de sa nationalité ukrainienne.
Après avoir dirigé la Géorgie pendant une décennie, Saakachvili, qui y avait été critiqué pour son style autoritaire et surtout pour la guerre désastreuse avec la Russie en 2008, avait acquis la citoyenneté ukrainienne en 2015 et été nommé gouverneur de la région ukrainienne d'Odessa (sud).
Ses relations avec le pouvoir à Kiev s'étaient détériorées après sa démission l'année suivante de ce poste qu'il avait expliquée par les difficultés rencontrées pour combattre la corruption.
A l'issue d'une journée de cache-cache médiatisée qui aura vu celui qui est désormais apatride tenter de passer la frontière, en vain, une première fois par la route puis en train, ses partisans ont fini par déborder les garde-frontières qui bloquaient le poste-frontière, invoquant une alerte à la bombe, entre les villes de Medyka en Pologne et de Cheguyni en Ukraine.
Accompagné de son épouse, de son fils de 11 ans et de l'ancienne Première ministre ukrainienne Ioulia Timochenko, l'ancien chef de l'Etat réformateur, arrivé au pouvoir à Tbilissi dans la foulée de la Révolution de la Rose de 2003, a ensuite avancé à pied sur la route en territoire ukrainien à la tête d'une colonne de plus de 1.000 de ses partisans. Puis il s'est engouffré dans une voiture en direction de la ville voisine de Lviv où plusieurs centaines de personnes l'ont accueilli.
Mikheïl Saakachvili, 49 ans, a été déchu en juillet dernier de sa nationalité ukrainienne par le président Porochenko. Il fait parallèlement l'objet d'une demande d'extradition pour «abus de pouvoir» adressée par la Géorgie, qui l'avait déjà privé de sa citoyenneté géorgienne.
Craignant des «provocations», l'ex-chef de l'Etat géorgien a changé plusieurs fois de route et de moyen de locomotion. Parti en car, il a ensuite opté pour le train, puis a repris l'autocar pour finalement se rendre au poste de Medyka où les garde-frontières polonais l'ont laissé passer mais où il s'est retrouvé face à un barrage d'hommes en uniforme ukrainien.
Seize garde-frontières et membres de la Garde nationale ont été blessés au moment du franchissement de la frontière, susceptible d'entraîner des poursuites pour entrée illégale sur le territoire ukrainien et mise en danger des forces de l'ordre, a prévenu le ministère de l'Intérieur dans un communiqué.
La vice-présidente du parlement Iryna Guerachtchenko a dénoncé sur Facebook une «tentative d'humilier ceux qui font leur travail en défendant la frontière de l'Etat, contre lequel la Russie est en guerre», une allusion au soutien militaire de Moscou, selon Kiev et les Occidentaux, aux séparatistes de l'est de l'Ukraine.
Apatride en Ukraine
«Nous pensons que Mikheïl Saakachvili peut faire sortir notre pays de la crise», a dit à l'AFP Lioudmyla Goretska, présente dans la foule venue l'attendre au poste-frontière où il était initialement attendu. «Nous n'avons pas besoin de grand-chose, nous voyons ce qu'il a fait dans son pays (la Géorgie, ndlr) et cela nous suffit».
Avant de franchir la frontière, Saakachvili a expliqué ses difficultés par le fait que Kiev «panique», assurant qu'il ne voulait «pas renverser le président Porochenko» mais juste défendre ses droits.
Saakachvili a toujours son passeport ukrainien qu'il a montré à Varsovie aux journalistes, disant qu'il le présenterait à la frontière «avec d'autres documents légaux». Il rappelle avoir passé en Ukraine quatorze ans de sa vie d'adulte et y avoir participé aux deux soulèvements pro-occidentaux à Kiev, puis à la lutte contre la corruption en tant que gouverneur d'Odessa à partir de 2015.
Il assure que des responsables du Haut-Commissariat aux réfugiés de l'ONU à Genève lui ont confirmé qu'il était «apatride en Ukraine», ce qui signifie qu'il a le droit de s'y trouver pour faire appel de la décision prise par Porochenko à son encontre pendant qu'il était aux Etats-Unis.
Kiev avait alors invoqué «des renseignements inexacts fournis dans sa demande de citoyenneté» par celui qui avait démissionné en novembre 2016 de ses fonctions de gouverneur et qui est désormais recherché par la justice géorgienne pour «abus de pouvoir», une mesure qu'il juge politique.