Les marques du passage des forces spéciales de la police dans la nuit sont encore visibles dans le centre de réfugiés de Kiwittsmoor à Hambourg. Femmes, enfants et hommes errent hagards dans les couloirs souillés de traces de boue.
C'est là, chambre 429 au premier étage, que vivait l'homme de 26 ans qui a tué une personne au couteau vendredi et en a blessé six autres dans une rue très commerçante de Hambourg. Un acte qualifié d'«attentat» par les autorités locales, qui parlent de signes de «radicalisation» récente de ce Palestinien né aux Emirats arabes unis.
Son voisin de chambre, qui se présente comme Mohamad, réfugié syrien de 31 ans, ne comprend pas ce qui s'est passé. «C'est quelqu'un de très intelligent, il était toujours en train d'aider les autres demandeurs d'asile pour leurs démarches», raconte-t-il. «C'était un type vraiment bien, jamais agressif, le pire qu'il ait fait c'est de tambouriner à la porte d'un voisin car la musique était trop forte», ajoute-t-il.
Le foyer de trois étages, en conteneurs souvent bariolés de graffitis, accueille au total 600 personnes dans le nord de la ville près d'une zone boisée, à raison de deux personnes par chambre de 15 m2 environ.
Scandinavie, Suède, Norvège...
L'agresseur au couteau vivait depuis déjà plusieurs années en Europe, manifestement sous le statut de demandeur d'asile. Il a passé plusieurs années en Scandinavie, en Suède et en Norvège, dont il maîtrise «très bien» la langue, selon le parquet de Hambourg.
Bien qu'arrivé dans le pays au printemps 2015, son allemand restait en revanche rudimentaire. Pendant deux ans environ, celui que la presse allemande présente sous le nom d'Ahmad A. n'a guère fait parler de lui, à part en début d'année pour un vol à la tire qui ne lui a pas valu de poursuites.
Que s'est-il passé ? Mohamad son voisin de chambre, mais aussi d'autres résidents, disent tous avoir observé une évolution récente.
«Vêtement islamistes»
«Pendant le dernier ramadan», le mois de jeûne musulman achevé fin juin, «il a eu une crise, il a acheté des vêtements islamistes et lisait le Coran dans sa chambre a voix haute», dit-il. Ahmad s'est aussi rendu dans une université de la ville «pour faire des prêches, il criait aux étudiants qu'on tuait des musulmans, il parlait de la situation en Palestine».
Un autre résident raconte que l'homme criait souvent «Allah Akbar (Dieu est le plus grand)» dans les couloirs, ce qu'il a fait aussi vendredi en attaquant les passants.
Cette radicalisation récente a été confirmée samedi par le ministre de l'Intérieur de la ville-Etat de Hambourg. L'homme avait été classé comme «cas suspect islamiste» par la police mais sans danger «de passage à l'acte» immédiat.
«instabilité psychologique»
Dans le même temps, il montrait une «instabilité psychologique» ce qui rend encore incertain l'élément déclencheur vendredi dans la rue commerçante, lorsqu'il s'est précipité avec un couteau de cuisine sur la foule.
Un autre résident du foyer de réfugiés témoigne dans le quotidien Bild qu'il consommait «souvent de la drogue», du haschisch et de la marijuana et «ensuite il proférait des paroles islamistes». Sa situation de demandeur d'asile débouté a-t-elle pu jouer un rôle ?
«Il était triste, sa mère était malade, sa demande d'asile rejetée et il ne savait pas où ils allaient l'expulser», dit Mohamad. Les autorités de la ville, elles, ont un autre version. Elles affirment qu'il n'avait pas de problème avec son départ d'Allemagne, qu'il avait renoncé à un recours contre le rejet de sa demande d'asile et attendait des documents d'identité de la mission palestinienne à Berlin.