La chambre basse du Congrès des Etats-Unis a adopté mardi à une quasi-unanimité de nouvelles sanctions contre la Russie, un projet qui provoque la colère à Moscou mais aussi en Europe, car il permettrait de sanctionner des entreprises européennes.
La proposition de loi, qui doit encore être adoptée par le Sénat, inclut aussi des sanctions contre l'Iran, notamment contre les Gardiens de la révolution accusés de soutenir le terrorisme, et la Corée du Nord, pour ses tirs de missiles.
Les parlementaires américains, forçant la main du président Donald Trump au moment où il veut la tendre à Vladimir Poutine, veulent en premier lieu infliger des représailles à la Russie après une campagne de désinformation et de piratage attribuée à Moscou durant l'élection présidentielle américaine de l'an dernier. L'annexion de la Crimée et les ingérences en Ukraine sont les autres motifs de punition avancés.
Consensus presque total au Capitole
«Comme l'ont conclu les services de renseignement américains, cet ancien agent du KGB a tenté de s'ingérer dans nos élections», a déclaré l'élu républicain Ed Royce. «Si on ne fait rien, la Russie continuera son agression». Le consensus est presque total au Capitole, où Moscou compte ses amis sur les doigts d'une main. Le vote a été de 419 voix contre 3. Le mois dernier, le Sénat avait voté sur un projet similaire par 98 voix contre 2.
Le texte prévoit aussi un mécanisme inédit qui déplaît à la Maison Blanche : les parlementaires vont s'arroger le droit de s'interposer si jamais Donald Trump décidait de suspendre des sanctions existantes contre la Russie. L'exécutif a eu beau défendre son pré carré, les chefs républicains du Congrès ont été intraitables, tant les élus se méfient des intentions du milliardaire sur une éventuelle détente avec l'adversaire russe.
Si le texte passait le Sénat, Donald Trump pourrait mettre son veto. Mais il suffirait au Congrès de revoter à une majorité de tiers pour le surmonter, et il est d'usage que les présidents s'épargnent cette humiliation en apportant un soutien tardif à la législation.
Réunion à Bruxelles mercredi
De Paris à Berlin en passant par Bruxelles, l'initiative du Congrès américain passe très mal, car elle est unilatérale. Jusqu'à présent, le régime de sanctions contre la Russie en raison de la Crimée a été coordonné des deux côtés de l'Atlantique, de façon à faire bloc. «L'unité du G7 à l'égard des sanctions est d'importance primordiale, car il en va du respect de l'application des accords de Minsk», a prévenu lundi le porte-parole de la Commission européenne, Margaritis Schinas.
Les Etats membres de l'Union européenne évoqueront d'ailleurs une éventuelle réponse lors d'une réunion mercredi à Bruxelles. Plusieurs pays européens, notamment l'Allemagne, sont furieux car la loi donnerait au président américain la possibilité de sanctionner les entreprises qui travaillent sur des pipelines venant de Russie, en limitant par exemple leur accès aux banques américaines ou en les excluant des marchés publics aux Etats-Unis.
Engie en première ligne
Cette disposition pourrait en théorie ouvrir la voie à des sanctions contre les groupes européens partenaires du projet de gazoduc Nord Stream 2 qui doit accélérer l'acheminement de gaz russe vers l'Allemagne à partir de 2019. Sont notamment concernés le français Engie, les allemands Uniper (ex-EON) et Wintershall (BASF), l'autrichien OMV et l'anglo-néerlandais Shell.
Jusqu'à présent, la ligne rouge fixée par Washington et Bruxelles avait été que les sanctions n'affectent pas l'approvisionnement en gaz de l'Europe. Dans une apparente concession, toutefois, la Chambre a modifié un article de façon à ce qu'il cible uniquement les pipelines dont l'origine est en Russie - épargnant ceux qui, comme les oléoducs de la Caspienne venus du Kazakhstan, ne font que transiter par la Russie.
Le président est aussi prié de décider des sanctions «en coordination avec les alliés des Etats-Unis». De son côté, le Kremlin a averti que la poursuite de la politique de sanctions nuisait «aux intérêts de nos deux pays».