Même si elle choque certains musulmans, l'interdiction du port du voile intégral dans l'espace public est une «mesure nécessaire» dans une société démocratique pour «garantir les conditions du vivre-ensemble dans la société», a confirmé mardi la Cour européenne des droits de l'Homme.
Un premier arrêt avait été rendu en ce sens le 1er juillet 2014, dans lequel la CEDH avait rejeté la plainte d'une Française musulmane d'origine pakistanaise contre la législation en vigueur depuis 2011 en France, premier pays européen à interdire le voile intégral dans l'espace public. L'arrêt avait été rendu par la Grande Chambre, l'instance suprême de la juridiction européenne qui siège à Strasbourg, dont les décisions sont définitives.
La Cour a repris cette jurisprudence pour rejeter mardi deux plaintes introduites par deux Belges musulmanes et une Marocaine installée en Belgique contre la législation adoptée dans ce pays le 1er juin 2011 pour interdire le port en public d'une tenue cachant totalement ou partiellement le visage. La mesure concerne le port du niqab et de la burqa, deux voiles islamiques qui couvrent le visage à l'exception des yeux et ne permettent pas l'identification.
ci-dessus
Les plaignantes assuraient avoir pris de leur propre initiative la décision de porter le niqab et dénonçaient une discrimination, une violation de leur droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion et une atteinte à leur vie privée et familiale. L'une des requérantes a souligné que la crainte d'être verbalisée l'a contrainte à rester à la maison, réduisant ainsi sa vie privée et sociale.
La Cour a rejeté ces arguments. Les juges ont retenu que la loi belge, comme la loi française, visaient à assurer «la sécurité publique, l'égalité entre l'homme et la femme et une certaine conception du vivre-ensemble dans la société». L'acception ou non du port du voile intégral dans l'espace public belge constitue un choix de société, ont relevé les juges.
Examen au cas par cas
La décision prise par les autorités belges a fait l'objet d'un débat au sein de la chambre des représentants et d'un examen complet de l'ensemble des enjeux par la Cour constitutionnelle, ont-ils ajouté. L’État belge souhaitait par cette interdiction «protéger une modalité d'interaction entre les individus essentielle au fonctionnement d'une société démocratique».
La Cour a été créée en 1959 par les États membres du Conseil de l'Europe pour protéger la convention européenne des droits de l'Homme. Or il n'y a «aucun consensus» entre les membres du Conseil de l'Europe pour ou contre une interdiction générale du port du voile intégral dans l'espace public, rappelle l'arrêt.
La Cour ne dit pas que le port du voile intégral doit être interdit dans tous les pays du Conseil de l'Europe, souligne-t-on de source autorisée au sein de l'instance. «Mais si des États veulent légiférer et si leurs lois sont similaires à celles adoptées en France et en Belgique, elles ne seront pas contraires aux dispositions de la convention des droits de l'Homme», précise-t-on. L'examen se fera «toujours au cas par cas» et la Cour sera très attentive aux sanctions, car elles doivent être proportionnées.
La loi belge prévoit une sanction pénale pouvant aller d'une amende jusqu'à une peine d'emprisonnement en cas de récidive. La Cour a relevé mardi que l'application de ces sanctions n'était pas automatique. En outre, ont souligné les juges, la dissimulation du visage dans l'espace public est une infraction "mixte" en droit belge, c'est-à-dire qu'elle relève de la procédure pénale et de l'action administrative, permettant à l’État belge une marge d'appréciation dans l'application des sanctions prévues.