Vladimir Poutine a prôné mercredi la création de «zones sécurisées» en Syrie, dernière initiative en date de Moscou destinée à «pacifier» ce pays en guerre et à convaincre les pays soutenant les rebelles de les inciter à négocier.
Ce plan russe, apparu au grand jour la veille pendant une conversation téléphonique entre le président russe et son homologue américain Donald Trump, devait être discuté à Astana où sont réunis rebelles, représentants du président Bachar al-Assad, diplomates russes, turcs et iraniens de haut rang, ainsi que l'émissaire spécial de l'ONU, Staffan de Mistura. Les rebelles ont toutefois annoncé mercredi leur retrait de ces discussions au Kazakhstan tant que l'armée syrienne n'aura pas cessé ses bombardements.
Recevant son homologue turc Recep Tayyip Erdogan dans la station balnéaire de Sotchi, sur les bords de la mer Noire, Vladimir Poutine a déroulé son plan visant à «une plus grande pacification» de la Syrie, en guerre depuis six ans, et à «un renforcement du cessez-le-feu». Pour cela, il s'agit de créer des «zones sécurisées» ou zones dites «de désescalade», un terme flou qui pourrait s'approcher de l'idée d'une zone tampon sans toutefois impliquer de déploiement massif de soldats pour assurer le cessez-le-feu.
Aucune activité militaire dans ces zones
Seule précision du chef de l'État russe : ces zones devront en même temps devenir des zones d'exclusion aérienne, «à condition qu'il n'y ait aucune activité militaire dans ces zones». Vladimir Poutine a affirmé avoir discuté de ce projet avec Damas et Téhéran, et avec Donald Trump mardi à l'occasion d'une conversation téléphonique. «Si j'ai bien compris, l'administration américaine soutient cette idée», a-t-il prudemment déclaré.
Recep Tayyip Erdogan a pour sa part dit avoir évoqué avec son homologue russe la création de ces zones «sur la carte», appelant à ce que cette idée soit entérinée pendant les pourparlers entre rebelles et régime. Selon Vladimir Poutine, la lutte contre les «organisations terroristes» telles que le groupe État islamique et le Front Fateh al-Cham, ancienne branche d'Al-Qaïda en Syrie, se poursuivra malgré l'éventuelle constitution de telles zones.
La Russie, alliée fidèle du régime de Damas, et la Turquie, soutien des rebelles, sont des pays garants du cessez-le-feu entré en vigueur en Syrie fin décembre et parrains avec l'Iran des négociations de paix d'Astana.
«Dialogue politique»
L'initiative russe sur les «zones sécurisées» devait être discutée à Astana, avaient déclaré à l'AFP dans la matinée des sources proches de l'opposition. Une de ces sources a fourni à l'AFP une version en arabe du projet. D'après ce texte, quatre zones seraient créées : dans les territoires rebelles à Idleb (nord-ouest), dans la province centrale de Homs, dans l'enclave rebelle de la Ghouta (banlieue est de Damas) et dans la partie méridionale de la Syrie.
Toujours selon ce texte, les zones dites de «désescalade» doivent être entourées de «zones de sécurité» constituées de postes de contrôle et de centres de surveillance gérés en commun par l'armée syrienne et les rebelles. Des unités militaires d'«observateurs» de pays non précisés devraient aussi être déployées. Elles auront pour objectif «de mettre immédiatement fin à la violence» et de «fournir les conditions d'un retour sécurisé et volontaire des réfugiés».
Le document stipule que la Turquie, l'Iran et la Russie seront les garants de l'accord et qu'ils s'engagent à créer «un groupe de travail commun» dans les cinq jours suivant la signature du document par les protagonistes.
Astana dans l'impasse
Ce projet est toutefois mis à mal par la suspension par les rebelles des négociations avec le régime à Astana même si ceux-ci ont reconnu à propos des zones sécurisées que ce serait «une mesure provisoire pour améliorer la situation humanitaire difficile des civils».
Les opposants au régime syrien sont coutumiers de la politique - provisoire - de la chaise vide et pourraient très bien participer aux discussions jeudi. Ils ont néanmoins rencontré mercredi la délégation américaine conduite par l'adjoint au secrétaire d’État américain pour les affaires proche-orientales Stuart Jones, ainsi que l'émissaire de l'ONU.
Sur le terrain en Syrie, les violences se poursuivent et ont frappé mercredi Azaz, une ville rebelle du nord, où l'explosion d'une voiture piégée a provoqué la mort d'au moins cinq personnes.