Pour la première fois depuis la révolution islamique, un concert de l'Orchestre symphonique de Téhéran a été dirigé mercredi soir par un maestro occidental, témoignant du réchauffement des liens culturels entre l'Iran et l'Europe.
A la baguette, le Français d'origine iranienne Pejman Memarzadeh a proposé aux mélomanes de la capitale iranienne diverses oeuvres classiques françaises, dont deux de Gabriel Fauré. A cette occasion, le choeur de l’orchestre a chanté en français pour la première fois depuis la révolution de 1979.
Ce concert illustre la volonté de l'Iran de renouer les liens avec l'Occident après la conclusion de l'accord sur le nucléaire en 2015. Depuis, le pays accueille un nombre croissant de touristes et tente d'attirer les investisseurs.
Le spectacle marque aussi une nouvelle étape pour Pejman Memarzadeh, ce chef d'orchestre de 44 ans né en Iran, qu'il a quitté, jeune enfant, dans les années 1970 pour la France. «J'ai toujours été très attaché à faire se rapprocher ces deux civilisations, ces deux grands pays que sont la France et l'Iran», a-t-il confié à l'AFP.
Le directeur de l'orchestre de l'Alliance s'exprimait avant le concert donné dans la salle Vahdat qui peut accueillir 750 spectateurs et était l'une des mieux équipées de la capitale lors de son inauguration à l'époque du Shah dans les années 1960.
L'orchestre symphonique de Téhéran célèbre cette année son 80e anniversaire après avoir traversé des temps difficiles dans le sillage de la révolution de 1979 lorsque la musique -- de surcroît occidentale -- était bannie. Mais il connait une renaissance depuis l'arrivée au pouvoir du président modéré Hassan Rohani en 2013.
Si la musique pop occidentale est toujours décriée par les milieux conservateurs qui y voient «une menace» contre les valeurs islamiques, la musique classique est elle de nouveau largement enseignée et pratiquée.
«Pluri-millénaire»
Très actif en France, M. Memarzadeh veut attirer l'attention des mélomanes sur l'héritage oublié de la musique classique en Iran.
«On ne perçoit pas la diversité du visage de l'Iran», regrette le chef d'orchestre. C'est «une civilisation extrêmement ancienne, pluri-millénaire» qui «possède une musique savante, une musique traditionnelle de très haut niveau». «Il y a eu des grands musiciens iraniens, des grands compositeurs», relève-t-il. Shardad Rohani, le directeur musical de l'orchestre symphonique, se montre optimiste pour cette renaissance en soulignant que les jeunes Iraniens ont toujours manifesté un intérêt pour la musique classique.
«L'âge moyen au sein de l'orchestre est de 25 ans, et je dirais que le public est composé à 80% de jeunes. En Europe, c'est l'inverse», se réjouit-il. Un autre point positif est que, selon lui, tous les musiciens de l'orchestre symphonique «sont tous Iraniens». «Ils ont tous étudié ici (...) et montrent que la musique classique est vivante et se porte bien», relève M. Rohani.
Ce n'est pas la première fois que M. Memarzadeh se produit en Iran. En 2002, il y avait dirigé un orchestre occidental avant de revenir, l'an dernier, pour des concerts dans plusieurs sites historiques dont les anciennes ruines de Persepolis. Selon lui, l'accord sur le nucléaire signé par l'Iran et les grandes puissances a aidé à reconstruire «la confiance». Les citoyens «peuvent contribuer à ce rapprochement à travers des projets artistiques et culturels».