Le Pérou a offert vendredi une récompense pour toute information permettant d'arrêter l'ex-chef de l'Etat Alejandro Toledo, accusé d'avoir touché des pots-de-vin, un coup de tonnerre dans ce pays où le premier président indien était le chantre de la lutte anticorruption.
L'ex-président de soixante-dix ans se trouverait désormais à San Francisco (il est professeur d'économie à l'université voisine de Stanford) selon le gouvernement, qui redoute qu'il prenne la fuite vers Israël, sa femme ayant la nationalité israëlienne.
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Auparavant, les autorités péruviennes le pensaient en France, en raison notamment des publications sur Facebook de son épouse. Les autorités péruviennes, qui ont contacté la France et les Etats-Unis pour avoir leur coopération, ont offert une récompense de 30.000 dollars pour toute information sur sa localisation. Jeudi, le juge Richard Concepcion, chargé de l'affaire, avait émis un mandat d'arrêt international, ordonnant la «localisation immédiate» de l'ancien mandataire (2001-2006), «son arrestation et sa détention provisoire» pour dix-huit mois.
20 millions de dollars de pot-de-vin
M. Toledo est soupçonné d'avoir touché vingt millions de dollars de dessous-de-table du géant du BTP brésilien Odebrecht afin de remporter l'appel d'offres pour la construction d'un axe routier majeur reliant le Pérou au Brésil. Son avocat Heriberto Benitez a d'ores et déjà annoncé qu'il interjetterait appel de la décision, contestant la demande de détention provisoire.
Selon le juge Concepcion, «il existe une forte probabilité» pour que M. Toledo ait touché des pots-de-vin. Le parquet se fonde sur les confessions du représentant de l'époque d'Odebrecht au Pérou, Jorge Barata, qui a conclu un accord avec la justice péruvienne : selon lui, la somme, versée en plusieurs fois, avait transité sur un compte bancaire offshore d'un ami de M. Toledo.
Un Président très populaire auprès de la population
Alejandro Toledo, ancien cireur de chaussures de rues issu de la misère andine, fut le premier président indien (quechua) et assurément celui qui ressemble le plus à la majorité des Péruviens : une gueule de «cholo» (indien ou métis) qu'il ne manquait jamais de mettre en avant.
M. Toledo se définit lui-même comme une «erreur statistique», pour avoir eu la chance d'avoir une bourse d'études, tremplin vers des études universitaires à San Francisco, puis un doctorat d'économie à Stanford avant de travailler à la Banque Mondiale.
Le précédent Fujimori
Lors de son mandat, M. Toledo est l'artisan de traités de libre-échange, de prix maîtrisés et d'une Commission vérité sur le conflit de 1980-2000. Il rassure les démocrates et les élites économiques. «C'est le "bon indien"», a résumé un sociologue, Julio Cotler. Mais son mandat laisse aussi un sentiment de «frivolité», entre un goût pour le whisky raillé par ses rivaux, la reconnaissance tardive d'une fille illégitime et quelques scandales affectant des proches.
En 2011, cinq ans après une présidence ayant apaisé la politique après l'ère mouvementée d'Alberto Fujimori (1990-2000) et amorcé une décennie de croissance, M. Toledo se présente à nouveau à la présidentielle pour «finir le travail» sur le plan social et éradiquer la pauvreté. Mais il est éliminé au premier tour.
D'autres pots-de-vin dévoilés
Le Pérou est actuellement secoué par l'affaire Odebrecht, le géant brésilien du BTP qui aurait distribué vingt-neuf millions de dollars d'enveloppes dans ce pays entre 2005 et 2014, selon les révélations de l'enquête tentaculaire «Lavage Express» autour du groupe pétrolier Petrobras au Brésil.
Déclenchée en 2014, cette opération a mis en lumière un réseau de corruption que les groupes brésiliens du bâtiment, dont Odebrecht, avaient monté pour truquer les juteux marchés de sous-traitance de Petrobras, distribuant des pots-de-vin à des responsables politiques au Brésil et dans une dizaine de pays en Amérique latine. Quatre personnes ont été arrêtées jusqu'à présent, dont un ancien membre du gouvernement d'Alan Garcia (2006-2011).