Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour Direct Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.
Vendredi 4 novembre
Novembre est, cette année, le mois des grands tournants. Ne serait-ce que celui, éternel, des feuilles mortes et des premières neiges, du froid qui va enfin imposer sa loi. Banalité que tout cela, car l’important est ailleurs, dans les échéances politiques.
Le premier grand tournant aura lieu dans quatre jours. C’est, évidemment, l’élection présidentielle américaine. Le 8, ou le 9, on saura qui occupera le bureau ovale de la Maison Blanche après huit ans d’Obama. On saura, ou on ne saura pas, car certains anticipent un résultat serré qui peut prêter à controverse, querelle, recomptage de voix, batailles juridiques… D’autres me disent, depuis Washington : – Attention ! Il y a déjà eu pas mal de votes en avance – ce qu’on appelle les «early votes» –, et ils se sont déroulés avant les rebondissements qui affaiblissent Hillary Clinton. A l’époque, elle caracolait dans les sondages.
Désormais, son momentum s’est arrêté, bloqué, figé. Qu’est-ce donc que ce mot, le «momentum», souvent utilisé par les Américains en matière de sport ou de politique ? Il signifie un mouvement positif qui s’empare d’une équipe ou du destin d’un personnage. Soudain, tout marche très bien, tout devient fluide, c’est un peu l’effet boule de neige, on a marqué un but, on enchaîne avec un autre très vite, on va gagner – ça, c’est pour le sport. Pour la politique, on a récupéré un Etat par-ci, un autre par-là, l’adversaire a encore commis quelques gaffes, les sondages vous propulsent, on va gagner.
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C’est bien fini, tout cela, les cartes ont été rebattues par une nouvelle révélation des connivences entre le camp Clinton et une journaliste de CNN qui livrait, en douce, les questions qui seraient posées dans un débat de la primaire, quand Hillary faisait face à son concurrent immédiat, Bernie Sanders. «Crooked, crooked», ce qui veut dire corrompue, voire pourrie, avait clamé Trump pendant toute sa campagne – jusque-là, on pouvait croire que cela appartenait à son registre d’opposant brutal, retors, bluffeur, butor. Aujourd’hui, Trump se réjouit et fait à Hillary ce qu’elle lui faisait hier : insister sur les faiblesses, les fautes d’une femme qui se disait tellement expérimentée qu’on ne pouvait imaginer qu’elle tombe dans la trappe de la tricherie et du mensonge. Terrible retournement des choses.
Nous sommes si proches du jour du vote que, malgré la masse d’informations qui déferle sur nous, le pronostic semble délicat. Seuls les médias américains y trouvent leur compte. Sensations, révélations, coups de bascule… Ça nourrit les réseaux sociaux, les chaînes d’info, la presse – ils sont assis au premier rang d’un cirque à deux pistes et attendent de voir si l’éléphant aux cheveux blonds va écraser la lionne au regard d’acier. Si l’aventurier va l’emporter sur la tricheuse.
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L’autre tournant de novembre se passe en France. La primaire à droite. Le deuxième débat d’hier soir, qui sera suivi d’un troisième, qui sera suivi d’un premier tour de scrutin, puis d’un second. Tout cela en l’espace de ce seul mois de novembre – au cours duquel, de Juppé à Sarkozy, de Fillon à Le Maire, on va s’apostropher, se questionner, et, au bout du compte, vaincre ou être défait.
Quelques grosses différences avec ce qui s’est passé aux Etats-Unis : d’abord, le discours, les propos, les échanges n’ont jamais atteint le stade de crudité, voire de vulgarité, d’un Trump. Ensuite, outre-Atlantique, après de longues primaires, on s’est retrouvé avec deux adversaires – l’affrontement était clair. Ici, nous sommes encore loin du grand duel – celui qui déterminera le choix des Français en avril et en mai 2017.