Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour Direct Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.
VENDREDI 16 SEPTEMBRE
Deux blondes à l’affiche cette semaine. La première, c’est Hillary Clinton et sa vidéo. Nous sommes aujourd’hui, vendredi, à cin¬quan¬te-¬quatre jours de l’élection présidentielle américaine. La vidéo est terrible : on voit Hillary de dos, soutenue par les mains solides de gardes du corps et d’une dame non identifiée.
Ils dirigent Hillary vers la porte arrière d’un de ces gros vans aux vitres fumées qui transportent les gens importants. Ils viennent de sortir de la cérémonie anniversaire du 11 septembre 2001 au cours de laquelle Hillary a été victime d’un «étouffement». On la reconduit donc chez elle. Mais voilà que, malgré les bras qui la protègent, elle s’écroule, poupée désarticulée, cassée en deux.
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On l’entoure, d’autres gardes s’empressent auprès d’elle pour dissimuler cette perte totale de contrôle. Elle est incapable de monter dans le van et il faut, littéralement, la coucher sur la banquette arrière. Le van démarre à vive allure. Ça a duré vingt et une secondes, et ça va durer des jours et des jours de visionnage, commentaires, éditoriaux, silence satisfait et contrit de son adversaire, Trump, qui n’a même plus besoin de l’accuser d’être «malade, inapte au commandement», et qui, plus habile qu’on ne l’imaginait, prononce une phrase magnanime : – J’espère qu’elle va bien. (Il lui donne rendez-vous pour le premier débat, le 26 septembre prochain. Je pense que ça va être un drôle de spectacle.)
Deux heures plus tard, Hillary ressort d’un immeuble proche (où habite sa fille Chelsea), toute pimpante, souriante, lunettes de soleil et sac à main, éclatante de joie et de santé et dit : – C’est une belle journée à New York. Puis, elle disparaît. On annonce (enfin !) qu’elle a une «pneumonie», qu’on la soigne et qu’elle suspend sa campagne. Une «pneumonie» – je connais ça –, ce n’est pas un petit rhume, ça vous fout en l’air, ça vous immobilise, ça vous assomme, ça vous atténue, ça vous coupe les jambes, et ça dure. Si Hillary reprend trop vite sa campagne (c’est le cas), elle risque gros. Ou alors, elle est bourrée de médicaments et elle risque encore plus gros. Un autre «étouffement» ? Une autre poupée désarticulée ?
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Nouvel élément, qui verse cette affaire dans le mariage du fantasme et du grotesque : voici que, sur d’innombrables réseaux sociaux, les complotistes comparent les images d’Hillary avant et après. Ils racontent que ce n’est pas la vraie qui est ressortie, tout sourire, de chez Chelsea, mais un «body double», un sosie. «Regardez, regardez !, s’exclament-ils, elle n’a pas le même nez, pas les mêmes cheveux, pas la même texture de peau, pas la même épaisseur de hanches !» Et ça tweete, ça tweete, ça n’arrête pas de tweeter.
C’est n’importe quoi, à l’image de toute cette campagne dont, pour en avoir couvert plus de cinq ou six, je n’ai jamais, jamais vu d’équivalence. La deuxième blonde est plus jeune, elle est d’origine belge, et j’ai envie de la complimenter ici. Il s’agit de Virginie Efira qui illumine Victoria, film de Justine Triet, sorti avant-hier. Comédie moderne et astucieuse, intelligente – mais surtout comédienne douée, émouvante, drôle, renversante de naturel et de charme. Je ne suis pas seul à la saluer. C’est unanime.
Virginie Efira porte le film avec la force de son talent, la fausse fragilité de sa blondeur, la capacité de subir toutes les épreuves et de s’en sortir. Comme le fera Hillary ? Il ne faut jamais sous-estimer la résilience des femmes.