Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour Direct Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.
VENDREDI 9 SEPTEMBRE
Ce qui est merveilleux avec le sport, c’est que les choses ne se passent pas toujours comme prévu. Deux exemples, cette semaine. Ainsi de Lucas Pouille, ce jeune tennisman français de 22 ans, né à Grande-Synthe, dans le Nord, 1,85 m, 81 kg, qui avait battu Nadal en huitième de finale au grand tournoi new-yorkais de Flushing Meadows en cinq sets disputés et spectaculaires.
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Le public américain l’avait adopté, malgré un nom imprononçable, et, surtout, la presse française l’avait immédiatement élevé au statut de «grand espoir», qui, à lui seul, allait remettre les pendules du tennis français à l’heure. Yannick Noah, capitaine de l’équipe de Coupe Davis, seul Français à avoir gagné Roland-Garros depuis que le tennis est passé pro, Noah qui a tout vu, tout vécu, tout entendu, après avoir admis que, en effet, Pouille était «l’espoir du tennis français», avait eu la sagesse et l’expérience d’ajouter :
– On en fait un demi-dieu vivant. Il fait les unes des journaux, il n’a gagné qu’un gros match. Pour être là-haut, il faut en gagner quinze.
Utile précaution, car, le match qui suit, Pouille se fait littéralement balayer par un autre Français, Gaël Monfils en trois sets secs. Pourquoi ? Sans doute parce que la victoire contre le légendaire Nadal avait essoré les forces du Français, sans doute parce que les sportifs (français en particulier) ont la fâcheuse tendance à se ramasser au cours du match qui suit une victoire surprise.
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Peut-être faudrait-il ne pas trop en faire, à chaque fois que survient ce genre d’exploit sans lendemain. Peut-être aussi, faut-il un peu plus s’intéresser, désormais, à Monfils, 30 ans, 1,93 m, 80 kg, né à Paris, au palmarès bien plus riche. Mais, de grâce, cette fois-ci, pas d’hyperbole, un peu de réalisme : «là-haut», c’est très haut, et c’est très difficile.
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On pourrait appliquer les mêmes phrases, formules, et résumés, à propos de l’équipe de France de football, les nouveaux vice-champions d’Europe, les Bleus, qui n’ont d’ailleurs encore rien gagné d’essentiel, mais que, avant leur premier match de qualification pour la prochaine Coupe du monde de football (en 2018, en Russie), on annonçait grands favoris devant la modeste Biélorussie.
Patatras, match nul, 0-0, sur le terrain austère du petit stade de Borisov. Où étaient passées les «stars» de juillet, les Griezmann et Giroud ? Il paraît qu’ils n’étaient pas prêts, mais ils nous expliquent qu’ils n’ont «rien à se reprocher». Je laisse à Pierre Ménès, avec son habituel mordant, le soin de mieux décortiquer tout cela – mais, pardon d’être aussi abrupt : s’ils n’ont «rien à se reprocher», les Bleus peuvent tout de même se reprocher de n’avoir pas gagné.
Tel est donc le sport, avec ses perpétuelles leçons de vérité, et si je vous en ai autant parlé, c’est que l’été n’a pas encore éteint ses feux et que l’on associe le sport à des cieux clairs et ensoleillés. Et aussi, parce que nous allons vivre, heure après heure, minute après minute, les évolutions, rebonds, petites ou grandes phrases, postures et mésalliances, des semaines et des mois et des trimestres de politique – sondages, émissions spéciales (les chaînes multiplient les rendez-vous).
On va connaître un double phénomène : à la fois, la curiosité et la passion (les Français adorent les joutes politiques) et, vraisemblablement, la lassitude et, parfois, l’écœurement. Il va arriver un jour en 2017, où, à peine le nouveau président élu, on entendra parler de 2022, nous recommencerons à poser la question : faut-il revenir au septennat non renouvelable ?