Les Thaïlandais étaient consultés dimanche sur une nouvelle Constitution très controversée, qui permettrait à la junte au pouvoir depuis un coup d'Etat de contrôler la scène politique, même après le retour à des élections.
"C'est l'avenir de la Thaïlande... C'est la démocratie, venez voter", a lancé aux 50 millions d'électeurs le chef de la junte, le général Prayut Chan-O-Cha, en déposant son bulletin dans l'urne dimanche matin. Aux manettes depuis le coup d'Etat de 2014 contre le dernier gouvernement élu, les militaires ont cependant pipé les dés en empêchant tout débat sous peine de prison, et en arrêtant ou rappelant à l'ordre les militants du "non".
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En l'absence de débat de fond, les tracts distribués en amont du vote par la Commission électorale, dont l'impartialité est sujette à caution, insistaient sur "le bonheur" à venir, avec des photos d'enfants souriants.
Ce que les tracts officiels ne disent pas, c'est que le Sénat ne sera plus élu mais nommé: même après le retour des élections, le Parlement se retrouvera sous la coupe d'une chambre haute que les généraux continueront de contrôler.
Les partisans du "oui" rencontrés dans les bureaux de vote dimanche mettaient en avant le fait que cette Constitution permettra selon eux de débloquer la scène politique et d'organiser des élections législatives en 2017 - ce que ne cesse de marteler la junte.
Retour à la normale ?
"Je veux que la situation revienne à la normale et je veux des élections", a expliqué parmi eux Potchana Surapitic, 53 ans, rencontrée dans un bureau de vote de Bangkok.
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Les partisans du "non" dénoncent quant à eux une "Constitution de voleurs", qui fait l'unanimité de la classe politique civile contre elle. "Les auteurs du coup d'Etat ont déchiré l'ancienne Constitution et nous ont volé nos droits, en se mettant en position de contrôler le gouvernement", notamment via un Sénat élu, ne décolère pas Ohm Kontaogan, qui a tenu à se déplacer pour exprimer son désaccord.
Si tant est que le scrutin soit transparent, un rejet de la Constitution "reflèterait la frustration populaire envers la junte et aiderait à galvaniser une plus grande unité populaire contre" le régime, analyse Paul Chambers, spécialiste américain de l'armée thaïlandaise, basé dans le nord du pays.
Mais, même en cas de rejet de son référendum, la junte au pouvoir n'est pas prête à lâcher le pouvoir, reconnaît-il. Pas avant d'avoir modifié en profondeur le système politique, afin d'empêcher durablement le retour aux manettes de l'opposition, incarnée par l'ex-Premier ministre Thaksin Shinawatra et sa soeur Yingluck, dont le gouvernement a été balayé par le coup d'Etat de 2014.
Jusqu'ici, les militaires avaient principalement eu recours aux coups d'Etat, dès 2006 pour Thaksin. Mais les Shinawatra étaient toujours revenus au pouvoir sitôt des élections organisées. Cette fois-ci, il s'agit pour les élites ultra-royalistes, au premier rang desquelles l'armée, de verrouiller le système, dans une période d'inquiétude sans précédent quant à l'avenir de la royauté, le roi Bhumibol, 88 ans, étant hospitalisé et invisible depuis des mois.
Dans ce pays aux violentes manifestations cycliques, la grande inconnue reste la stratégie de réplique des Chemises Rouges, puissant mouvement de soutien à Thaksin et Yingluck Shinawatra, très populaires dans le nord et le nord-est. Pour l'heure, ils font profil bas, Yingluck Shinawatra votant elle-même dimanche, et renouvelant son appel aux électeurs à aller voter pour exprimer leur opinion. Des résultats préliminaires sont attendus dans la soirée, à 21:00 locales (14:00 GMT).