La Chine attendait mardi de pied ferme une décision d'arbitrage sur des contentieux territoriaux en mer de Chine méridionale avec les Philippines, Pékin ayant déjà fait savoir qu'il ne tiendrait aucun compte d'un verdict susceptible de remettre en cause ses prétentions de souveraineté sur cette mer.
La Cour permanente d'arbitrage (CPA) doit rendre mardi à La Haye sa décision concernant les contentieux territoriaux en mer de Chine méridionale qui opposent les Philippines à la Chine. Depuis plusieurs mois, Pékin martèle que cette cour n'a pas compétence sur cette affaire et qu'il ne reconnaîtra donc pas la sentence, érigeant l'affaire en véritable "cause nationale" via son puissant appareil de propagande.
"L'arbitrage est invalide", titrait en Une mardi le China Daily, quotidien officiel, sur une photo de Woody (Yongxing en chinois), une île de l'archipel des Paracels, contrôlée par Pékin et revendiquée par le Vietnam.
L'agence de presse officielle Chine nouvelle publiait des articles intitulés: "L'arbitrage en mer de Chine méridionale viole le droit international, selon un expert chinois", "La Cour permanente d'arbitrage ne doit pas être utilisée à des fins politiques", "La mer où les pêcheurs chinois vivent et meurent".
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Pékin considère comme relevant de sa souveraineté la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale -- réputée riche en hydrocarbures --, au grand dam de pays riverains aux prétentions rivales: Philippines, Vietnam, Malaisie et Brunei.
Exercices militaires
Pour asseoir ses revendications, la Chine a agrandi des îlots ou récifs et y a implanté pistes d'atterrissage, ports et autres installations dont, récemment, quatre phares sur des récifs, et un cinquième en cours de construction, a précisé lundi Chine nouvelle.
La marine a quant à elle mené des exercices militaires entre l'archipel des Paracels et l'île chinoise de Hainan (sud de la Chine). Les Etats-Unis, alliés militaires des Philippines, affirment ne pas prendre position sur le différend opposant Manille à Pékin.
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Washington a cependant envoyé des navires de guerre patrouiller près du récif de Scarborough et dans l'archipel des Spratleys, revendiqués par la Chine, avec l'appui du porte-avions USS Ronald Reagan, selon le journal américain Navy Times.
Un média officiel chinois a assuré que Pékin "ne reculera pas du moindre pas" après la sentence de la CPA, et le président chinois Xi Jinping a assuré début juillet que la Chine ne fera aucun compromis sur sa souveraineté. "Nous ne causons pas de problèmes, mais nous ne craignons pas les problèmes", avait-il insisté.
A la recherche de soutiens diplomatiques, Pékin a obtenu dernièrement celui de l'Angola, de Madagascar et de la Papouasie-Nouvelle Guinée, une preuve, selon le porte-parole de la diplomatie chinoise, Lu Kang, que "la justice et la rectitude ont toujours un soutien populaire".
"Escalade verbale, pas militaire"
La Chine se fonde sur une délimitation en "neuf pointillés" apparue sur des cartes chinoises datant des années 1940. Dans sa requête introduite en 2013, Manille demande à la CPA de déclarer que les prétentions chinoises sont une violation de la Convention de l'ONU sur le droit de la mer (CNUDM), dont les deux pays sont signataires.
Pékin a boycotté les audiences. La CPA ne devrait pas se prononcer directement sur la question de la souveraineté des récifs et îlots et n'a pas indiqué qu'elle trancherait sur les "neuf pointillés".
Mais une décision-clé attendue est celle de savoir si ces récifs et îlots peuvent avoir le statut d'îles -- à même d'accueillir une population humaine -- et donc d'être inclus dans des eaux territoriales et des zones d'exclusion maritime.
Sans ce statut, aucun Etat ne peut revendiquer une souveraineté exclusive sur leurs eaux. "La décision arbitrale peut réduire l'ampleur des querelles en mer de Chine méridionale, mais ne les résoudra pas", pronostiquent dans un rapport Yanmei Xie et Tim Johnston, de l'International Crisis Group (ICG).
Selon eux, la décision de la CPA va vraisemblablement provoquer "une escalade dans la guerre verbale", mais, pour autant, "une escalade de la confrontation militaire n'est pas inévitable". Le nouveau président philippin, Rodrigo Duterte, veut apaiser les tensions avec la Chine et s'est prononcé pour un "atterrissage en douceur" avec Pékin.