Savoir que nos faits et gestes sont épiés par les gouvernements pousserait les individus à censurer eux-mêmes leurs opinions les plus dissidentes sur Internet.
C'est la conclusion d'une étude américaine publiée en mars dans la revue académique Journalism & Mass Communication Quaterly et intitulée "Sous surveillance : examen de l'effet de la spirale du silence sur Facebook depuis les révélations sur la surveillance d'Internet par la National Security Agency (NSA)".
La NSA et ses oreilles
Pour étudier ce phénomène, explique le site du Washington Post, la chercheuse Elizabeth Stoycheff, de l'université de Wayne à Détroit (Michigan, Etats-Unis), a fait remplir un questionnaire à 255 personnes. Pour la moitié des participants, ce questionnaire était accompagné d'un message rappelant que la NSA pouvait à tout moment surveiller les recherches en ligne des citoyens et que l'en empêcher s'avérait impossible.
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Tous les participants devaient ensuite répondre à des questions sur leur personnalité, leurs convictions politiques et leurs activités sur Internet. Puis, ils devaient parcourir, via Facebook, un article de presse sur la poursuite des frappes américaines contre l'organisation terroriste Daesh en Irak. Ils devaient enfin donner leur opinion sur le sujet, dire ce qu'ils pensaient être l'opinion majoritaire parmi les Américains, et s'ils comptaient partager leur point de vue sur la question. Bref, des questions sensibles qui amenaient des réponses tout aussi sensibles.
Une "spirale du silence" qui a pour origine la peur
Résultat : les personnes à qui l'on avait rappelé qu'ils étaient sous surveillance d'Etat étaient moins enclines à exprimer leurs idées, si elles estimaient que celles-ci étaient contraires à l'opinion majoritaire. Derrière ce phénomène se cache la "spirale du silence", une théorie exposée dès les années 1970, qui démontre que les individus ont tendance à refouler leur opinion si elle diffère de celle de leurs pairs, par peur d'être isolés. Plusieurs études ont mis en avant que les internautes sur les réseaux sociaux étaient particulièrement sujets à ce phénomène.
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Aujourd'hui, cette nouvelle étude montre que la spirale du silence trouve aussi son origine dans la peur de la surveillance de masse révélée en 2013 par Edward Snowden. "De nombreuses personnes avec qui j’ai parlé disent ne pas se soucier de la surveillance en ligne parce qu’ils ne violent aucune loi et qu’ils n’ont rien à cacher", explique Elizabeth Stoycheff au Washington Post. "Et je trouve cette façon de se justifier extrêmement troublante." En effet, ceux qui affirmaient n’avoir rien à cacher étaient ceux qui étaient le plus à même de s’autocensurer en ligne lors de l'étude. Un fait choquant pour l'universitaire engagée contre la surveillance de masse pensée par les Etats.