Opinion publique choquée, alliés ulcérés: un an après, les révélations sur les programmes de la NSA ont terni l'image des Etats-Unis, sans toutefois conduire à la remise en cause du système espérée par Edward Snowden.
Inculpé d'espionnage dans son pays et depuis réfugié en Russie, l'ancien consultant de l'agence américaine chargée des interceptions de communications a déclenché une tempête mondiale en fournissant à la presse des dizaines de milliers de documents révélant l'ampleur de la surveillance effectuée par la NSA.
Métadonnées téléphoniques, courriels, réseaux sociaux, conversations des dirigeants étrangers: rien de semble échapper à l'emprise de ce Big Brother informatique dont les moyens ont été décuplés depuis le 11-Septembre au nom de la lutte contre le terrorisme.
Un an après les premières révélations dans le quotidien britannique The Guardian, le 5 juin 2013, les détails continuent d'affluer. Dimanche, le New York Times affirmait, sur la foi de documents fournis par Snowden, que la NSA récupérait les photos de personnes pour les utiliser dans ses programmes de reconnaissance faciale.
L'agence, censée n'agir qu'à l'étranger, vise incidemment nombre de citoyens américains au grand dam des organisations américaines de défense des libertés individuelles et de la vie privée.
Le gouvernement américain met en avant le caractère totalement légal de cette collecte, encadrée depuis 1978 par une Cour secrète, la Fisc, depuis les abus commis par les agences de renseignement sous la présidence Nixon.
"Le vrai problème mis en lumière par les révélations de Snowden n'est pas celui d'une agence devenue incontrôlable" mais celui du déséquilibre entre le besoin de sécurité et la protection de la vie privée, expliquent dans Foreign Affairs, Daniel Byman, professeur à l'université de Georgetown, et Benjamin Wittes, expert à la Brookings Institution.
- Plus de transparence -
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Un avis partagé par la puissante organisation de défense des droits civiques ACLU. "Nous avons donné à la NSA le pouvoir énorme de surveiller les communications de gens ordinaires. Le scandale, c'est ce qui est légal", selon Janeel Jaffer, un de ses responsables.
Le président Barack Obama a pris conscience du besoin de transparence, concédant qu'"il n'est pas suffisant de dire +faites-nous confiance, nous n'abusons pas des données que nous récupérons+".
"L'une des principales leçons des événements de l'année écoulée est que nous devons parler davantage de ce que nous faisons", juge l'inspecteur général de la Direction du renseignement (DNI), Robert Litt.
Mais la réforme proposée par le président et votée par la Chambre des représentants ne fait qu'amender le système de collecte, sans satisfaire les ONG et la Silicon Valley.
Perçus comme des prestataires de la NSA car contraints de lui fournir les données de clients, les géants de l'internet jugent leur crédibilité entachée, notamment à l'étranger où ils redoutent de perdre des marchés.
Elles sont dorénavant réticentes à collaborer avec le gouvernement, regrette Mike Leiter, ancien directeur du Centre national antiterroriste (NTC).
"L'affaire Snowden a vraiment contribué à affaiblir le partenariat (avec les sociétés internet), ce qui à long terme va être très préjudiciable à des organisations comme la NSA et la CIA", selon lui.
A l'étranger, les révélations de Snowden ont ulcéré les opinions mais provoqué des réactions variables.
L'Allemagne et le Brésil, choqués par la mise sur écoute de leurs dirigeantes d'Angela Merkel et de Dilma Rousseff, ont été les plus véhémentes mais d'autres pays, comme la France, ont modéré leurs critiques au nom d'une collaboration étroite avec le renseignement américain.
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Là encore, Barack Obama a promis de réformer le système en promettant de ne plus écouter les portables des dirigeants alliés. "A moins que notre sécurité nationale ne soit en jeu", a-t-il toutefois nuancé.
Edward Snowden, qui se considère comme un lanceur d'alerte, est pour sa part toujours en Russie malgré les appels du gouvernement américain à rentrer. Son avocat Anatoli Koutcherena a affirmé mercredi s'occuper "de la prolongation de son statut" de réfugié qui expire en août.
Le jeune homme a lui confié à la télévision brésilienne Globo qu'il serait "heureux" de rejoindre le Brésil.