Berlin et Athènes ont vivement condamné la fermeture "unilatérale" de la route des Balkans, estimant qu'elle ne pouvait résoudre la crise migratoire contrairement au projet de plan d'action EU/Turquie dont les ministres de l'Intérieur de l'UE doivent débattre jeudi.
"On ne résout pas le problème en prenant une décision unilatérale", a déclaré jeudi la chancelière Angela Merkel à la radio publique MDR, insistant sur la nécessité d'une solution "à 28" et "avec la Turquie", faute de quoi, "la Grèce ne pourra pas supporter le poids (migratoire) longtemps".
Mercredi soir, son homologue grec, Alexis Tsipras, avait déjà critiqué la fermeture de la route des Balkans, alors que des dizaines de milliers de migrants, venus de Turquie, sont déjà coincés en territoire grec. "L'UE n'a aucun avenir si ça continue comme ça", a-t-il fustigé dans un tweet, dénonçant lui aussi une décision "unilatérale".
The Western Balkans route has come to an end due to unilateral actions by certain countries. EU has no future if it goes on like that. (1/2)
— Alexis Tsipras (@tsipras_eu) 9 Mars 2016
We expect D. Tusk, president of EU28 to focus efforts on implementing our common decisions and not encourage those who ignore them. (2/2)
— Alexis Tsipras (@tsipras_eu) 9 Mars 2016
Les deux dirigeants réagissaient à la décision mercredi de la Slovénie, suivie par la Croatie et la Serbie, de ne plus laisser passer de réfugiés. Depuis lundi, la Macédoine ne laisse elle plus entrer de migrants depuis la Grèce. Mme Merkel et M. Tsipras ont pris l'exact contre-pied du président du Conseil européen, Donald Tusk, qui avait lui salué mercredi la mise en oeuvre d'une "décision commune des 28".
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Sauf exceptions "humanitaires", seuls sont désormais autorisés à entrer dans ces pays les migrants désirant y demander l'asile, une infime minorité parmi les 850.000 personnes qui ont débarqué sur les îles grecques, la majorité voulant se rendre dans le nord de l'Europe, principalement en Allemagne.
Sale boulot
De fait, les restrictions imposées ces dernières semaines aux frontières, de la Macédoine à l'Autriche, avaient déjà considérablement tari le flux de migrants.
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Si Mme Merkel a dénoncé la fermeture de la route des Balkans, celle-ci sert néanmoins la chancelière qui, face aux critiques dans son pays, a promis une baisse conséquente et durable des arrivées de migrants, après le million enregistré en 2015. Notant que les arrivées étaient en chute libre, le ministre allemand de l'Intérieur Thomas de Maizière a ainsi relevé jeudi à Bruxelles qu'il voulait "que cela reste comme ça de manière durable".
Le vice-chancelier Sigmar Gabriel avait lui estimé dans une interview dimanche que les pays qui ont verrouillé la route des Balkans faisaient "ainsi le sale boulot à la place de l'Allemagne". La baisse durable des arrivées en Allemagne est d'autant plus cruciale pour Mme Merkel que la montée des populistes dans les sondages sur fond de débat migratoire risque de se traduire en une percée lors d'élections régionales dimanche.
Sur le terrain, la situation empire en Grèce, où 41.973 migrants, dont 12.000 à Idomeni (frontière gréco-macédonienne), s'entassent dans des conditions misérables. Mercredi, 2.373 nouvelles arrivées sur les îles comme Lesbos ou Kos ont été enregistrées.
Athènes tente de convaincre les migrants de gagner les centres d'accueil installés dans l'urgence, pour éviter que la situation ne dérape à sa frontière avec la Macédoine. Par ailleurs, mercredi soir, au large de la Turquie, au moins cinq migrants afghans et iraniens, dont un bébé, sont morts dans un nouveau naufrage, selon l'agence Dogan.
Pour enfin dégager une solution pérenne au niveau européen, les ministres de l'Intérieur des pays de l'UE se réunissent jeudi à Bruxelles pour discuter des mesures controversées en négociation avec la Turquie, l'objectif étant un accord pour "changer la donne" lors du sommet européen des 17 et 18 mars.
"Critiques" de Vienne
Le volet le plus spectaculaire de l'ébauche d'accord UE-Turquie, contesté par les ONG, verrait Ankara accepter la réadmission sur son territoire de tous les migrants se rendant clandestinement en Grèce, y compris les Syriens fuyant la guerre.
En échange, les Européens s'engageraient, pour chaque Syrien renvoyé, à transférer un réfugié syrien depuis la Turquie vers le territoire de l'UE.
Mais signe des divisions sur le sujet, la ministre de l'Intérieur autrichienne, Johanna Mikl-Leitner, s'est déclarée "extrêmement critique" vis-à-vis d'un projet qui risque de jeter les valeurs européennes "par dessus bord".
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Jeudi, le ministre turc aux Affaires européennes, Volkan Bozkir, a tenu à préciser que la proposition de son pays ne concernait "pas les migrants (...) actuellement sur les îles grecques", et qu'elle concernerait, en cas d'un accord avec l'UE, des "dizaines de milliers" de personnes et non des "millions".
Ankara a exigé en échange le doublement de 3 à 6 milliards d'euros de l'aide promise par l'UE pour l'accueil des 2,7 millions de Syriens déjà sur son sol, une levée "d'ici juin" des visas imposés par les pays de Schengen à ses citoyens et une l'accélération des négociations en vue de son adhésion à l'UE.