Dans une région minée par les conflits, l’affrontement entre Riyad et Téhéran dépasse les frontières et ravive les antagonismes.
Leur rivalité cristallise les tensions au Moyen-Orient. Riyad et Téhéran, qui ont rompu en début de semaine leurs relations diplomatiques, continuent de se renvoyer la responsabilité de la crise. En cause, l’attaque de l’ambassade d’Arabie Saoudite en Iran par des manifestants, à la suite de l’exécution d’une figure de l’opposition chiite par les autorités saoudiennes ce week-end. Une peine jugée «irresponsable» par Téhéran, qui a déclaré que Riyad «paierait».
I hereby condemn #SheikhNimr's execution & send my condolences to his family & Muslim world. This act violates human rights & Islamic values
— Hassan Rouhani (@HassanRouhani) 3 Janvier 2016
Dans ce contexte, l’Arabie Saoudite a rappelé ses diplomates en Iran et donné deux jours à leurs homologues iraniens pour quitter le territoire saoudien. Ses fidèles alliés, le Soudan, Bahrein, les Emirats Arabes Unis et le Koweït, ont également rappelés leurs ambassadeurs. Une bataille diplomatique qui risque de se répercuter dans la région, où l’Arabie Saoudite et l’Iran ont une influence majeure, et en particulier en Syrie et au Yémen, en proie à des affrontements internes particulièrement meurtriers.
Une «guerre par procuration»
En Syrie, où le conflit a déjà fait plus de 250 000 morts, l’Iran est présent sur le terrain, avec 50 000 «gardiens de la Révolution» iraniens engagés dans les rangs de Bachar al Assad. De son côté, l’Arabie Saoudite arme et soutient financièrement certains groupes de l’opposition syrienne. «Au Yémen, c’est l’inverse, explique Mathieu Guidère, spécialiste du monde arabe. L’Arabie Saoudite est présente sur le terrain, par le biais d’une coalition internationale qui soutient le président déchu contre la rébellion, tandis que l’Iran envoie des armes aux rebelles».
#Yémen : le conflit a fait jusqu'ici près de 2.800 morts dans la population civile https://t.co/RczCJ3tj82 pic.twitter.com/VEhPhP5GA9
— Nations Unies (ONU) (@ONU_fr) 5 Janvier 2016
Dans les deux cas, la présence des deux puissances à la table des négociations est indispensable à une résolution diplomatique du conflit. Maintenant qu’elles ont rompu leurs relations, cette perspective semble très compromise. Les négociations espérées par l’ONU dans le courant du mois de janvier risquent donc d’être reportées, alors que les situations humanitaires en Syrie et au Yémen restent catastrophiques.
Deux axes rivaux, chiite et sunnite
Mais cette crise a également réveillé la rivalité entre les deux branches de l’islam dans la région. D’un côté, l’axe chiite, avec l’Iran, l’Irak, la Syrie et le Hezbollah libanais, de l’autre l’axe sunnite, dominé par l’Arabie Saoudite. «Au-delà de la guerre par procuration en Syrie et au Yémen, il y a une guerre de religions qui se joue au niveau diplomatique dans tout le Moyen-Orient», explique Mathieu Guidère.
C’est ainsi que l’on a vu des manifestations chiites se multiplier en Irak, au Liban, mais également au Pakistan et même en Inde après l’exécution de l’opposant saoudien. Au Liban, les chefs de file des communautés chiites et sunnites se sont lancés dans de violentes diatribes, respectivement contre l’Arabie Saoudite et l’Iran, chacun accusant de barbarie le protecteur du camp adverse. Autant de réactions qui viennent envenimer une situation déjà délétère.