En affirmant avoir inspiré la tuerie perpétrée cette semaine en Californie, Daesh soulève la question de l'importance de sa menace aux Etats-Unis, où le nombre d'apprentis-jihadistes est en plein essor et où on peut s'armer très facilement.
Le flou demeure sur les motivations de Syed Farook et de Tashfeen Malik, un couple apparemment radicalisé qui a ouvert le feu mercredi sur les convives d'un déjeuner de Noël, avant d'être tués par les policiers. Sans revendiquer explicitement l'attaque qui a fait 14 morts et 21 blessés, Daesh a inclus les deux assaillants parmi les "soldats" de son "califat". Dans un programme en anglais diffusé samedi par sa station de radio, le groupe jihadiste a fait l'éloge de la tuerie, requalifiée la veille par le FBI en "acte terroriste".
"L'enquête a dévoilé des signes de radicalisation de la part des tueurs et l'inspiration potentielle par des organisations terroristes étrangères", a déclaré vendredi le directeur du FBI, James Comey. Il a cependant souligné que rien n'indiquait que ces tueurs "aient fait partie d'un vaste groupe organisé ou d'une cellule". Selon des experts, cela ne contredit pas l'hypothèse jihadiste. "Depuis au moins 2010 les stratèges et idéologues du jihad ont inspiré et appelé les musulmans en Occident à faire une des deux choses suivantes: rejoindre un groupe jihadiste combattant à l'étranger ou bien, s'ils demeurent dans un des pays menant supposément une guerre contre l'islam, y perpétrer des attaques en utilisant les armes à leur disposition", rappelle Alexander Meleagrou-Hitchens, du Centre international d'étude de la radicalisation et de la violence politique.
Malgré son rôle central dans le combat contre les réseaux islamistes, notamment au Moyen-Orient, les Etats-Unis considèrent être confrontés sur leur sol à des risques jihadistes inférieurs à ceux d'autres pays européens.
S'armer facilement
Après les attentats qui ont endeuillé Paris le 13 novembre, James Comey avait d'ailleurs assuré qu'il n'y avait pas de menace crédible aux Etats-Unis. Il avait souligné que l'attention s'y concentrait davantage sur des loups solitaires passant à l'acte de leur propre chef. "Aux Etats-Unis, le problème est que ce type de jihadistes peuvent s'armer légalement, et devenir ainsi pratiquement aussi dangereux que des jihadistes surentraînés liés à des groupes à l'étranger", analyse M. Meleagrou-Hitchens.
Les Etats-Unis ont reconnu en octobre faire face à une poussée "spectaculaire" du nombre d'apprentis-jihadistes sur leur sol, de plus en plus jeunes et comptant de plus en plus de femmes. Identifier les personnes séduites par les thèses de Daesh véhiculées sur internet est un "défi comparable à chercher des aiguilles dans une botte de foin de la taille du pays", avait expliqué le directeur du FBI. "Pour moi, le fait que des jihadistes élevés en Amérique mettent la main sur des armes et commettent une telle attaque était juste une question de temps, cela semble une telle évidence et si facile", commente Alexander Meleagrou-Hitchens.
250 Américains ont voyagé ou tenté de voyager en Syrie et en Irak pour y combattre
Selon une étude publiée cette semaine par l'université George Washington, 250 Américains ont voyagé ou tenté de voyager en Syrie et en Irak pour y combattre. Quelque 900 enquêtes visent des sympathisants présumés de Daesh dans les 50 Etats américains et 71 personnes ont été inculpées depuis mars. Après les attentats de Paris, le groupe jihadiste avait inondé les réseaux sociaux de messages de propagande saluant les attaques, certains apparemment préparés à l'avance, explique à l'AFP Rita Katz, directrice de SITE, organisation américaine de surveillance des sites islamistes.
Cette semaine toutefois, les forums jihadistes sont restés silencieux après la tuerie en Californie, jusqu'à ce que les informations émergent sur la religion musulmane du couple qui s'était rencontré en Arabie Saoudite, souligne-t-elle. Et d'ajouter: "Désormais ils inondent Twitter". Rita Katz précise que des engins explosifs préparés par Farook et Malik ressemblent à des diagrammes détaillés publiés par Al-Qaïda et que leur attaque apparaît avoir suivi des directives d'une publication de Daesh, conseillant à ses partisans de faire allégeance au chef de l'organisation avant de passer à l'action. Les autorités étudient notamment une page du réseau social Facebook sur laquelle Malik aurait fait acte d'allégeance à l'organisation jihadiste. En mai deux sympathisants de Daesh avaient ouvert le feu au Texas (sud) près d'un centre où se tenait un concours de caricatures de Mahomet en présence du populiste néerlandais Geert Wilders.