Le président ukrainien Petro Porochenko négociait lundi avec ses rivaux pro-occidentaux en vue d'une coalition après des législatives anticipées saluées aux Etats-Unis et en Europe, et accueillies dans l'Est séparatiste prorusse par une reprise des combats.
Ce scrutin, par lequel les Ukrainiens semblent tourner le dos à leur passé soviétique en pleine crise avec la Russie, a été jugé par les observateurs internationaux conforme aux normes démocratiques malgré quelques "incidents isolés", notamment des intimidations et des menaces.
Côté russe, le chef de la diplomatie Sergueï Lavrov a dénoncé de "nombreuses violations", tout en soulignant que Moscou "reconnaîtrait" les résultats du scrutin.
Barack Obama a félicité lundi les Ukrainiens pour des élections "réussies" en dépit d'un environnement difficile dans certaines régions du pays où les électeurs n'ont pas pu voter : en Crimée, péninsule rattachée en mars à la Russie, et dans les territoires contrôlés par les séparatistes dans l'Est.
Mais à Donetsk, bastion des rebelles prorusses, des tirs de lance-roquettes multiples Grad ont mis fin à un week-end d'accalmie dans les combats dont le bilan est de plus de 3.700 morts depuis avril, et rappelé la fragilité du dialogue engagé.
Deux soldats tués
Les forces ukrainiennes ont de leur côté fait état de tirs de roquettes sur leurs positions près de la ville côtière de Marioupol, qu'elles contrôlent, et ayant atteint des habitations civiles. Elles ont également annoncé la mort de deux soldats dans la région de Lougansk pendant le ravitaillement de troupes en difficulté, les premiers militaires à être tués en une semaine.
Le président ukrainien Petro Porochenko a interprété le succès obtenu par les forces pro-occidentales comme un vote de confiance pour son plan de paix, mais les analystes sont plus sceptiques.
"Il est peu probable que le scrutin affecte de manière significative le conflit", souligne Eurasia Group dans une note d'analyse en rappelant que le principal rival du président, le Premier ministre Arseni Iatseniouk était "sceptique quant au processus de paix réflétant le sentiment très partagé par l'opinion".
L'instauration d'un cessez-le-feu le 5 septembre, négocié avec la participation de la Russie, n'a pourtant pas permis la fin totale des combats et a été qualifiée par une partie de la population de capitulation face aux insurgés, soutenus militairement, selon Kiev et l'Otan, par Moscou.
Nationalistes exclus?
Les résultats portant sur plus de 70% des bulletins de vote confirment le score sans précédent depuis l'indépendance de 1991, près de 70% des voix, obtenu par les cinq principales listes favorables à un rapprochement avec l'Union européenne.
Mais ils signifient aussi que M. Porochenko, dont le Bloc est légèrement devancé par le Front populaire du Premier ministre Arseni Iatseniouk, ne pourra pas gouverner seul.
Il s'est entretenu mardi avec M. Iatseniouk et le maire de Lviv, Andriï Sadovyi, dont les formations ont obtenu des scores dépassant toute attente pour "former une puissante coalition démocratique", selon son porte-parole.
Arseni Iatseniouk dont la formation est en tête, selon des résultats partiels, voit ses chances renforcées d'être reconduit à la tête du gouvernement.
Les anciens alliés de Viktor Ianoukovitch se maintiennent via le Bloc d'Opposition (9,85%), ce qui n'était pas acquis vu la défiance envers le régime prorusse de l'ancien président. Mais, fait historique, le Parti communiste (3,9%), qualifié par M. Porochenko de "cinquième colonne" de Moscou, n'atteint pas la barre des 5% nécessaire pour entrer au Parlement.
Le parti nationaliste Svoboda, révélation des dernières législatives de 2012, risque d'être exclu de l'Assemblée, oscillant autour de la barre fatidique de 5%.
En revanche Dmytro Iaroch, leader du groupe ultranationaliste paramilitaire Pravy Sektor et ennemi juré du Kremlin, a remporté l'élection au scrutin majoritaire dans une circonscription de la région russophone de Dnipropetrovsk.
Les résultats des législatives ukrainiennes ont été qualifiés par l'Union européenne de "victoire de la démocratie et du programme de réformes européennes" et salués notamment dans l'ancien bloc soviétique.
"Ni la guerre qui se poursuit, ni les tentatives de noyer le peuple sous des mensonges ne peuvent changer le cours de l'histoire (...) L'Ukraine est prête à dire adieu au passé et à résolument suivre la voie européenne", a déclaré à l'AFP le ministre lituanien des Affaires étrangères, Linas Linkevicius.
Le temps presse pour le pouvoir ukrainien pour former le plus rapidement possible un nouveau gouvernement qui doit adopter des réformes radicales destinées à sortir l'Ukraine d'une profonde récession, à lutter contre une corruption endémique et à la rapprocher de l'Union européenne. Avec l'arrivée de l'hiver, il doit aussi régler le conflit qui prive l'Ukraine de gaz russe depuis juin.