Moins d'une semaine après la confirmation de la peine de mort d'Asia Bibi, une chrétienne pakistanaise accusée de blasphème, de nombreuses initiatives témoignent d'une mobilisation internationale pour empêcher sa pendaison.
Jeudi dernier, le tribunal d'appel de Lahore (Pakistan) a confirmé la peine de mort infligée à Asia Bibi, accusée par des femmes de son village d'avoir blasphémé à l'encontre de Mahomet. Dans les faits, cette mère de famille aurait été accusée d'avoir bu à une fontaine réservée à des musulmans, la rendant ainsi "impure".
Le cas d'Asia Bibi devrait remonter à la Cour Suprême pakistanaise, dernière instance judiciaire du pays en mesure de casser le jugement. Le cas non échéant, seule la grâce présidentielle pourrait sauver la condamnée. Mais un acte de clémence pourrait déclencher des émeutes, attisées par les extrêmistes musulmans. Deux personnes ayant pris publiquement la défense d'Asia Bibi ont déjà été assassinées depuis sa première condamnation en 2010.
Mobilisation sur place
Parallèlement à la procédure judiciaire, de nombreuses initiatives indiquent la mise en place d'une vaste mobilisation qui pourrait influencer les juges pakistanais. Au Pakistan, l'affaire est suivie de près par la commission Justice et Paix de la conférence épiscopale qui compte surveiller la procédure d'appel, tandis que plusieurs ONG impliquée dans la défense des droits de l'homme et des minorités persécutées.
L'heure n'est cependant pas à l'optimisme. Harron Barkat Masih, qui dirige la Fondation Masihi, une ONG qui oeuvre au Pakistan en faveur de l'amélioration des conditions de vie des chrétiens et pour la défense de ceux qui sont accusés injustement de blasphème, "il existe de nombreux éléments qui n'invitent pas à l'optimisme", relate l'agence Fides. "Il suffit de rappeler que, sur la tête d'Asia Bibi pèse encore une prime, promise par un imam à celui qui la tuera".
Mobilisation en France
C'est donc depuis l'extérieur des frontières pakistanaises que la mobilisation pourrait jouer en faveur d'Asia Bibi. En France, on assiste ainsi à une floraison d'initiatives en faveur de la condamnée, comme l'appel à la mobilisation publié par l'abbé Pierre-Hervé Grosjean, la pétition lancée par l'ACAT qui avait recueilli 15.000 signatures mercredi, ou encore l'appel à manifester jeudi à 19H00 devant l'ambassade du Pakistan à Paris.
Si les politiques sont encore relativement discrets sur cette confirmation de la condamnation d'Asia Bibi, le ministère des Affaires étrangères a fait part en revanche de sa préoccupation et a appelé les autorités pakistanaises à faire preuve de clémence à son égard.
La France appelle le #Pakistan à respecter ses engagements inter. en matière de droits civils et politiques #AsiaBibi pic.twitter.com/StTrET30GK
— France Diplomatie (@francediplo) 17 Octobre 2014
Mobilisation mondiale
A l'international, de nombreuses initiatives fleurissent également. Le Be Heard Project, qui agit à l'échelle mondiale en faveur des chrétiens persécutés, a lancé une vaste campagne de mobilisation passant par un appel au don et une pétition largement signée réclamant la libération d'Asia Bibi. En Grande-Bretagne, une lettre ouverte à David Cameron a déjà été signée par plus de 100.000 pétitionnaires qui lui demandent d'intervenir par la voie diplomatique.
Certaines voix s'interrogent néanmoins sur la pertinence de cette stratégie. Pour Paul Bhatti, ancien ministre catholique des Minorités au Pakistan (dont le frère Shabaz a été assassiné en 2011 pour avoir soutenu Asia Bibi), elle pourrait même être contre-productive. Interrogé dans Le Figaro (accès payant), il estime en effet que la mobilisation internationale confirme les théories des extrémistes. "Pour eux, les chrétiens pakistanais sont des agents de l'Occident qu'ils accusent d'être en guerre contre l'Islam".