Le Boeing de Malaysia Airlines qui s'est écrasé mi-juillet avec 298 personnes à son bord dans l'est de l'Ukraine sous contrôle des séparatistes a été abattu par "un grand nombre de projectiles", selon un rapport préliminaire rendu public mardi.
Les enquêteurs néerlandais (193 victimes avaient cette nationalité) ne donnent aucune indication sur la nature des "projectiles" ni sur leur origine, mais le Premier ministre malaisien Najib Razak a estimé que la description technique des événements alimentait "la forte suspicion" d'un tir de missile, déjà évoqué en juillet par les Occidentaux.
Kiev ayant dit avoir repéré quelques jours avant la tragédie l'entrée sur son territoire, en provenance de Russie, d'un dispositif de tir de missiles, ce rapport risque d'accentuer la pression occidentale sur Moscou, sous la menace de nouvelles sanctions économiques européennes mercredi.
"Ceci entraîne une forte suspicion sur un tir de missile sol-air ayant abattu le MH17", a déclaré le chef du gouvernement malaisien. "De plus amples investigations doivent avoir lieu avant d'en être certain", a-t-il néanmoins nuancé.
Un dirigeant séparatiste a démenti mardi toute implication dans ce drame. "Je ne peux dire qu'une chose : nous n'avons tout simplement pas d'équipements techniques capables d'abattre un Boeing", a déclaré Alexandre Zakhartchenko, "Premier ministre" de la République populaire unilatéralement proclamée de Donetsk.
Le Boeing 777-200 s'est "disloqué en vol, en raison probablement de dégâts structurels causés par un grand nombre de projectiles à haute énergie qui ont pénétré de l'extérieur dans l'avion", a soutenu le Bureau d'enquête néerlandais pour la sécurité (OVV), chargé de l'enquête.
Ni défaillance technique, ni faute de l'équipage
"Il n'y a aucune indication selon laquelle le crash a été causé par une défaillance technique, ou par les actions de l'équipage" du Boeing qui assurait le vol Amsterdam-Kuala Lumpur et qui était "qualifié et expérimenté", a assuré l'OVV.
Kiev et les Occidentaux ont accusé les rebelles d'avoir abattu l'avion de ligne en tirant un missile sol-air russe Bouk. Moscou a affirmé qu'il avait été abattu par les forces aériennes ukrainiennes dans le but machiavélique de faire retomber la faute sur les séparatistes.
Le Bouk fonctionne en explosant directement face à la cible et en la frappant très vite par un grand nombre d'éclats d'obus. Et un missile air-air tiré par un avion de combat atteint directement la cible et ne provoque pas ce qui a été décrit par les enquêteurs.
Fondé sur les éléments obtenus à partir de l'analyse des boîtes noires de l'appareil, de photos, de vidéos, ou de données des autorités aériennes ukrainiennes et russes, le rapport assure que le vol de l'avion, qui avait décollé d'Amsterdam-Schiphol, s'est déroulé "comme prévu" avant de prendre fin "de manière abrupte" quelques heures plus tard.
"Nous devons faire attention aux conclusions tirées trop vite. Pas à pas, les experts travaillent à rendre des conclusions irréfutables", a commenté le Premier ministre néerlandais Mark Rutte. "C'est bien de savoir que le vol s'est déroulé normalement jusqu'à ce que l'appareil ait été touché de l'extérieur", a-t-il néanmoins ajouté.
"Une enquête complémentaire" sera nécessaire avant la publication du rapport final, qui est attendu pour l'été 2015, a affirmé l'OVV. L'onde de choc qu'a provoquée le drame avait conduit les Européens, jusque-là divisés, à imposer, avec les Etats-Unis, des sanctions économiques à Moscou sans précédent depuis la Guerre froide.
Quatre soldats tués
Et rien ne semble avoir changé : ce rapport survient au lendemain de l'adoption par l'Union européenne de nouvelles sanctions économiques contre la Russie, accusée de souffler le chaud et le froid dans le conflit ukrainien.
Mais l'UE, dont bon nombre d'Etats membres redoutent les retombées des sanctions sur leurs propres économies, s'est laissé une porte de sortie, quitte à donner l'impression de tergiverser.
La Commission européenne a en effet annoncé mardi que l'UE déciderait mercredi d'appliquer ou de suspendre ces mesures.
Sur le terrain, la situation restait fragile malgré la poursuite du dialogue de paix entre les présidents ukrainien Petro Porochenko et russe Vladimir Poutine.
Quatre soldats ukrainiens ont été tués depuis l'entrée en vigueur vendredi d'un cessez-le-feu décidé entre Kiev et les séparatistes.
Un "protocole" de cessez-le-feu en douze points a été signé vendredi à Minsk par le gouvernement ukrainien et les rebelles prorusses pour mettre fin à cinq mois d'un conflit qui a fait plus de 2.700 morts et un demi-million de réfugiés et de déplacés, selon les derniers chiffres de l'ONU.
L'un des points les plus sensibles de l'accord touche au statut spécial des régions séparatistes de l'est de l'Ukraine, et le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a appelé mardi à l'ouverture rapide des discussions.