Kiev et les séparatistes prorusses se sont accusés mutuellement samedi de violer un cessez-le-feu conclu il y a moins de 24 heures, mettant à mal les perspectives d'un règlement pacifique dans l'Est alors que les rebelles exigent leur "indépendance".
Destiné à mettre fin à un conflit de près de cinq mois dans l'est de l'Ukraine ayant fait 2.600 morts et un demi-million de réfugiés et déplacés, ce cessez-le-feu a été accueilli avec scepticisme par les Occidentaux qui n'ont pas renoncé dans l'immédiat à de nouvelles sanctions contre la Russie accusée de porter atteinte à la "souveraineté de l'Ukraine".
Sur le terrain, la nuit a été calme dans les principales villes de l'Est, selon des journalistes de l'AFP sur place.
Mais plusieurs dirigeants séparatistes ont d'ores et déjà dénoncé une violation du régime du cessez-le-feu entré en vigueur vendredi à 15H00 GMT.
"Hier (vendredi) à 21H, il y a eu plusieurs tirs de roquettes à la périphérie de Donetsk, ainsi qu'un convoi d'armes lourdes qui venait de Zaporijjia", une région voisine de celle de Donetsk, a déclaré à l'AFP Vladimir Makovitch, un responsable du Parlement séparatiste.
"C'est une provocation ou un test pour nos nerfs. Nous essaierons de respecter le cessez-le-feu mais si les provocations se poursuivent, on va riposter", a-t-il promis.
Le "Premier ministre" de la république autoproclamée de Donetsk Alexandre Zakhartchenko a pour sa part fait état de tirs près de la ville d'Amvrosiïvka à 80 km au sud-est de Donetsk.
A Kiev un porte-parole militaire Andriï Lyssenko a quant à lui accusé les séparatistes d'avoir tiré à dix reprises sur les positions des forces ukrainiennes après l'entrée en vigueur de la trêve.
"Marchander avec l'Ukraine d'égal à égal"
Aucune précision n'a été donnée sur la durée du cessez-le feu qui constitue un succès pour les insurgés et la Russie, dans la mesure où il est susceptible d'entériner la perte pour Kiev de plusieurs villes de l'Est après l'avancée victorieuse ces dernières semaines des rebelles, aidés sur le terrain par des militaires russes, selon les Occidentaux.
Et les rebelles ont déjà exigé samedi leur "indépendance" après les négociations vendredi à Minsk entre le "groupe de contact" composé de l'Ukraine, de la Russie et de l'OSCE et les séparatistes.
"L'essentiel qui reste après ces négociations, c'est la reconnaissance d'une république autonome et indépendante au sein de la DNR ou au sein de Novorossia" (Nouvelle Russie, terme utilisé par le président russe Vladimir Poutine pour désigner plusieurs régions de l'est et du sud de l'Ukraine, NDLR), a déclaré à l'AFP le président du parlement de la DNR Boris Litvinov.
"Ensuite on peut marchander avec l'Ukraine et même l'aimer, mais d'égal à égal", a-t-il ajouté, estimant que parmi les conditions de Kiev, seules "deux sont acceptables pour nous: le cessez-le-feu et l'échange de prisonniers".
M. Zakhartchenko a précisé que les séparatistes devaient transférer samedi leurs prisonniers de guerre à Kiev et le gouvernement ukrainien faire de même lundi avec les rebelles retenus.
Les Occidentaux méfiants
La trêve annoncée à Minsk n'a pas convaincu les Occidentaux qui ont accusé ces derniers jours la Russie d'avoir déployé des troupes régulières dans l'est de l'Ukraine.
Le président américain Barack Obama a souligné que le cessez-le-feu devait être suivi d'effets "sur le terrain", estimant qu'il serait préférable, malgré cet accord, d'"imposer des sanctions, quitte à les lever ensuite".
Les 28 Etats membres de l'Union européenne se sont mis d'accord vendredi soir pour de nouvelles sanctions contre la Russie, qui seront formellement adoptées lundi.
Ces sanctions comprennent des mesures renforcées concernant l'accès aux marchés des capitaux, la défense, les biens à double usage civil et militaire et les technologies sensibles.
Mais la Russie a averti samedi qu'elle réagirait en cas de nouvelles sanctions économiques, en accusant l'Union européenne de soutenir ainsi "le parti de guerre à Kiev".
L'Otan, qui a annoncé vendredi la création d'une force "très réactive" capable d'être déployée en quelques jours en cas de crise et son intention de maintenir sa présence dans l'est de l'Europe, a dit espérer que le cessez-le-feu constituerait "le début d'un processus politique constructif".
"Une chose est de décréter un cessez-le-feu, mais la prochaine étape cruciale est l'application de bonne foi (du cessez-le-feu) et cela reste à voir", a souligné le secrétaire général de l'Alliance atlantique Anders Fogh Rasmussen.