Infatigable Rosetta. Après un périple de plus de six milliards de kilomètres dans l'espace, la sonde européenne lancée voici plus de 10 ans touche au but: le premier rendez-vous d'un véhicule spatial avec une comète.
Rosetta arrive à destination mercredi, à 100 km seulement de la comète Tchourioumov-Guérassimenko (elle-même à quelque 400 millions de km de la Terre), dont elle va tenter de percer les secrets. L'enjeu est de mieux comprendre l'évolution du système solaire depuis sa naissance.
Aucun véhicule spatial avant Rosetta ne s'est mis en orbite autour d'une comète, même si plusieurs ont été survolées par des sondes.
A 100 km, "la phase d'approche sera terminée, et on considère qu'on sera arrivé à la comète", a indiqué à l'AFP Sylvain Lodiot, responsable des opérations de vol de Rosetta à l'Agence spatiale européenne (ESA).
Quand elle s'est réveillée en janvier, après deux ans et demi d'hibernation programmée pour économiser son énergie, la sonde se trouvait à 9 millions de km de sa cible, filant à 800 mètres/seconde, a-t-il rappelé.
Depuis mai, les ingénieurs ont mis le pied sur le frein, réalisant d'importantes manoeuvres pour réduire la vitesse relative de la sonde et sa distance par rapport à la comète. Mercredi, sa vitesse sera tombée à 1 m/s, soit 3,6 km/h, celle d'un promeneur.
- Canard en plastique -
"La manoeuvre du 6 août va nous mettre sur le premier arc de ce qu'on appelle les pyramides, des orbites hyperboliques autour de la comète, qui nous maintiennent plus ou moins à 100 km", a expliqué Sylvain Lodiot.
L'objectif de ces orbites spécifiques est de permettre à Rosetta de faire connaissance avec sa nouvelle compagne de route.
D'un coût total de près de 1,3 milliard d'euros, la mission Rosetta, financée en majeure partie par l'ESA, est prévue pour durer au moins jusqu'en décembre 2015, tandis que Tchourioumov-Guérassimenko passera au plus près du soleil en août 2015.
ci-dessus
Les images déjà transmises par la caméra Osiris-NAC, embarquée à bord de Rosetta, ont révélé un drôle d'animal: Tchourioumov-Guérassimenko a un noyau double. On distingue deux parties, dont une plus petite, qui lui donnent un air de canard en plastique.
"Une telle forme décuple l'intérêt scientifique de la mission Rosetta, car nous allons devoir comprendre comment ce noyau s'est formé", a souligné Philippe Lamy, directeur de recherche émérite au CNRS (Centre national de recherche scientifique), organisme public français.
"Plusieurs scénarios ont déjà été avancés, mais le plus probable est l'agglomération de deux corps lors de la formation du système solaire", a estimé l'astrophysicien.
- Le grand saut -
Dans les mois qui viennent, Rosetta va encore se rapprocher de la comète, glanant au fur et à mesure de ses observations des informations sur la forme, la masse et l'intensité du champ gravitationnel du noyau.
"L'inconnue pour nous, c'est le dégazage (les gaz et poussières éjectés du noyau sous l'effet du rayonnement solaire, qui forment la chevelure de la comète)", a précisé Sylvain Lodiot. Le dégazage "peut induire des erreurs de positionnement et de pointage".
L'ingénieur exclut cependant tout risque de collision avec la comète.
"Ce qui va être compliqué dans les semaines à venir, c'est le nombre de choses qu'on a à faire pour arriver à mieux connaître la comète et trouver un site d’atterrissage", a-t-il confié. Dès la fin août, quatre ou cinq sites devront avoir été présélectionnés pour ce qui sera une autre première extrêmement délicate, l'atterrissage du robot Philae.
"On peut raisonnablement penser que la forme du noyau va imposer des contraintes supplémentaires", a estimé Philippe Lamy, interrogé par l'AFP.