Jets de bouteilles remplies d'urine, agressions contre des enfants... L'idée que des colons juifs radicaux expulsés de la Vieille ville de Hébron puissent revenir bientôt inquiète leurs voisins palestiniens.
L'an dernier, le ministère israélien de la Défense avait ordonné l'expulsion de 15 colons, au grand soulagement de la population palestinienne de la plus grande ville de Cisjordanie occupée, où vivent quelque 190.000 Palestiniens dans un climat de tension permanente avec près de 700 colons juifs installés dans une enclave au cœur de la cité.
Les colons en question habitaient une maison près du Caveau des Patriarches ou mosquée d'Ibrahim, un lieu saint vénéré par les juifs et les musulmans, dans l'enclave dite "zone H2" qui est sous la protection de milliers de soldats israéliens.
Mais en septembre, après la mort d'un soldat israélien tué par un tireur palestinien à Hébron, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a affirmé vouloir permettre à ces colons de s'installer à nouveau dans la "maison d'Abou Rajab", comme l’appellent les Palestiniens, ou "maison de Machpela" pour les Israéliens.
Une dizaine de Palestiniens ont saisi la Cour suprême israélienne en affirmant que ce bâtiment de trois étages leur appartenait.
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Devant les juges, le représentant du gouvernement a dû admettre que la déclaration d'intention du Premier ministre n'avait pas un caractère "officiel" et que la maison ne serait pas occupée par des colons tant que son statut ne serait pas réglé par la justice.
Le porte-parole des colons, David Wilder, a fait valoir que ce bâtiment et une autre maison contestée avaient été acquis légalement "via un agent chargé d'acheter pour la communauté juive".
La vente de biens en territoires occupés à des colons israéliens étant considérée par les Palestiniens comme une trahison, de telles transactions sont souvent menées en secret ou via des intermédiaires, augmentant le risque de différend.
Les colons affirment posséder les deux étages supérieurs, qui sont en conséquence sous la garde d'Israël. Les habitants palestiniens désormais confinés au rez-de-chaussée craignent qu'un retour des colons ne ramène aussi les violences passées.
La déclaration de Netanyahu "était une pure vengeance", estime Hatem Abou Rajab, 26 ans, qui vit là avec sept membres de sa famille. "Mais ils ont des armes et nous n'en avons pas. Que pouvons-nous faire? Les colons continuent à venir ici régulièrement pour essayer de rentrer dans le bâtiment ou simplement pour nous insulter".
'Maison de la paix'
La directrice de l'école de filles voisine, Ibtissam al-Joundi, se souvient des pierres et des insultes visant ses élèves lorsque les colons occupaient la maison.
Mais même sans eux, la réalité reste dure dans le secteur sous contrôle israélien, où enseignants et élèves "sont régulièrement fouillés, ce qui double parfois leur temps de trajet" jusqu'à l'école, souligne-t-elle.
"Les enfants sont habitués, ils ont connu cela toute leur vie", ajoute-t-elle.
A quelques minutes à pied se trouve une deuxième maison dont l'armée a expulsé les habitants juifs, connue des Palestiniens sous le nom de maison Rajabi, ironiquement baptisée par les colons qui l'occupaient "Beit Shalom" (Maison de la paix).
La Cour suprême doit se prononcer d'ici quelques mois sur le conflit de propriété autour de cette maison de quatre étages. Un verdict en faveur des colons est attendu.
"Les colons nous agressaient physiquement, y compris en nous jetant des bouteilles pleines d'urine, à nous et nos enfants", raconte Bassem al-Jabari, un cordonnier palestinien qui vit en face. "Ils ont même empoisonné mon cheval".
M. Wilder a rejeté toute responsabilité des colons, accusant des Israéliens venus "d'ailleurs que Hébron" d'être derrière les violences, et assurant à l'AFP que les colons d'Hébron n'ont pas pour politique d'attaquer les habitants arabes.
Assurant l'avoir acheté légalement, des colons avaient pris possession du bâtiment en 2007, mais ils en ont été expulsés par les troupes israéliennes l'année suivante, après une semaine de violences.
Aujourd'hui, deux larges drapeaux israéliens pendent encore sur les façades, mais la maison est vide, les fenêtres cassées, les portes barricadées et des barbelés sont enroulés autour des balcons
Des soldats occupent un bunker en béton sur le toit en prévision d'un incident toujours possible.