Une femme brigue pour la première fois la présidentielle au Tadjikistan, après qu'un parti islamique a désigné cette avocate et militante des droits de l'homme respectée comme sa candidate dans ce pays à majorité musulmane.
Oïnikhol Bobonazarova, avocate de 65 ans, qui ne porte pas le voile, a été désignée candidate par le parti d'opposition "La Renaissance Islamique" (IRP) pour se présenter à la présidentielle du 6 novembre face à l'actuel président Emomali Rakhmon.
Ce sera la première fois qu'une femme se présente à un tel scrutin depuis l'indépendance en 1991 de cette ancienne république soviétique Asie centrale, où 99% de la population sont des musulmans sunnites.
Candidate d'un parti islamique modéré
Fait encore plus rare, Mme Bobonazarova va représenter un parti islamique modéré.
Le parti d’opposition social-démocrate, qui n'a pas de sièges au Parlement, doit par ailleurs s'allier à l'IRP et appuyer le 6 octobre la candidature de cette avocate.
Selon la loi tadjike, Mme Bobonazarova doit désormais réunir 210.000 signatures de partisans afin de pouvoir enregistrer sa candidature.
"C'est un cas unique qu'une femme soit candidate", déclare-t-elle à l'AFP.
"Je me sens très bien. En fait, ce ne sont pas mes débuts en politique, j'en fais depuis ces 40 dernières années. Les gens me soutiennent et saluent mes choix. Ils me souhaitent du succès et me donnent de l'inspiration", poursuit-elle.
Le parti IRP, le seul parti politique islamique enregistré au Tadjikistan, a remporté 8% des voix aux législatives de 2010, soit deux des 63 sièges du Parlement.
L'actuel président Emomali Rakhmon, 60 ans, au pouvoir depuis 1992, est considéré comme le grand favori du scrutin. Son parti doit annoncer formellement sa candidature en octobre pour briguer ce nouveau mandat de sept ans.
Le Tadjikistan, pays pauvre d'Asie centrale qui a une frontière poreuse de 1.340 km avec l'Afghanistan, a connu après la chute de l'URSS en 1991 et jusqu'en 1997 une guerre civile sanglante entre le pouvoir post-communiste et des combattants islamistes.
Depuis le démembrement de l'Union soviétique, le pays a également vu son économie aller de mal en pis. Frappés par la misère, des centaines de milliers de Tadjiks ont quitté leur pays pour travailler à l'étranger, notamment sur les chantiers en Russie.
Mme Bobonazarova dirige une ONG du nom de Perspektiva Plus, qui défend les droits des travailleurs immigrés, des femmes, et des victimes de torture.
Au début des années 1990, elle faisait partie des dirigeants d'un bloc démocratique d’opposition et en 1993 les autorités l'ont accusée d'avoir participé à une tentative de coup d'Etat et l'ont arrêtée avant de la relâcher.
Le Parti de la Renaissance islamique, auquel Mme Bobonazarova est lié depuis 1997, reconnaît que son choix n'avait pas été évident.
"Ce n'est pas facile lorsqu'un parti islamique soutient la candidature d'une femme", a admis le chef d'IRP, Moukhiddine Kabiri, lors d'une réunion du parti le 17 septembre.
"Une démocrate, sans voile ni chéchia"
D'autant que Mme Bobonazarova est une femme qui ne fait pas de compromis, si ce n'est en acceptant de porter un chapeau lors de congrès du parti.
"Je suis ce que je suis: une démocrate, sans voile ni chéchia" (couvre-chef traditionnel masculin), dit-elle.
"Ils m'ont acceptée comme je suis. Seules 7 personnes ont voté contre ma candidature", précise-t-elle.
Elle admet tout de même avoir été confrontée dans sa carrière à des problèmes de discrimination.
"Oui, les gens parlent. On entend des gens du peuple qui demandent: est-ce qu'une femme peut vraiment devenir présidente?", dit-elle.
Mais "nous sommes dans un Etat démocratique. Nous devons être plus audacieux et nommer cinq ou six femmes à des postes ministériels", estime-t-elle.
Une femme occupe déjà les fonctions de vice-Premier ministre au Tadjikistan, et il y a également plusieurs vice-ministres et députées de sexe féminin. Le président Rakhmon, issu de l'ancienne nomenklatura soviétique, s'est montré favorable à l'idée de renforcer l'accès des femmes à des postes officiels.