Les enquêteurs québécois envisageaient mardi la piste de la "négligence criminelle" pour expliquer l'explosion d'un convoi de wagons-citernes dans la bourgade de Lac-Mégantic, mais la société ferroviaire américaine en cause a rejeté toute responsabilité.
La Sûreté du Québec (SQ, police provinciale) est à la recherche d'"éléments de preuves potentielles qui pourraient permettre éventuellement le dépôt d'accusations criminelles", a déclaré à la presse l'inspecteur Michel Forget.
A quelques 200 m du lieu de l'accident, il a confirmé que l'hypothèse d'une "négligence criminelle" était "envisagée".
Il a indiqué que deux nouveaux corps ont été découverts mardi dans la zone dévastée par l'explosion du train, dans la nuit de vendredi à samedi, portant le bilan à 15 morts. Une quarantaine de personnes sont toujours portées disparues.
ci-dessus
De son côté, le président de la compagnie The Montreal, Maine and Atlantic Railway (MMA), Ed Burkhardt, a affirmé aux médias locaux que c'était l'intervention des sapeurs-pompiers d'un village voisin, moins de deux heures avant l'accident, qui aurait provoqué le drame.
Les sapeurs-pompiers du village de Nantes était en effet intervenus vers 23H50 vendredi (03H50 GMT samedi) pour éteindre un petit incendie sur l'une des cinq locomotives du convoi de 72 wagons-citernes.Ils auraient alors coupé l'alimentation de la locomotive, désactivant ainsi les freins à air comprimé de la locomotive.
Les pompiers de Nantes ont "arrêté les moteurs de la première locomotive" et c'est ce qui aurait provoqué la suite des événements", a déclaré M. Burkhardt. Au contraire, cette procédure fait partie du "protocole d'intervention de MMA, il faut couper le moteur", s'est défendu le chef des sapeurs-pompiers de la municipalité de Nantes, Patrick Lambert.
Le PDG de MMA a également accusé les pompiers d'avoir tardé à avertir la société de l'incident, mais les enquêteurs du Bureau de Sécurité des Transports (BST) ont affirmé le contraire mardi.
Non seulement un employé de MMA été averti, mais en plus celui-ci est "arrivé sur les lieux pour aider les services d'incendie", a déclaré l'enquêteur Ed Belkaloul.
Le train sans conducteur aurait ensuite dévalé la pente entre Nantes et Lac-Mégantic, déraillant et explosant dans cette petite ville touristique située à 250 km à l'est de Montréal, au nord de la frontière américaine.
"Est-ce qu'il a peur?"
Près de quatre jours après cet accident, le pire au Canada depuis un crash d'avion en 1998, les habitants commençaient à perdre patience de ne pas pouvoir rentrer chez eux : 800 d'entre eux sont toujours concernés par cette interdiction, bien que le brasier est éteint depuis dimanche soir.
ci-dessus
Les policiers ont en effet érigé un large périmètre interdit au coeur du centre-ville dévasté, et au-delà. Ils ont demandé aux résidents de comprendre qu'ils sont à la recherche de pièces à conviction et qu'à ce titre, la "zone rouge" doit être préservée.
Quelque 1.200 habitants ont toutefois commencé à regagner leurs domiciles mardi, dans des quartiers plus excentrés.
Beaucoup attendent de pied ferme le PDG de MMA, qui devait se rendre sur place mardi mais pourrait finalement venir mercredi.
"Il est supposé venir, mais pour faire quoi?", s'interroge Jean-Claude Prince, un ferrailleur qui a regagné sa maison mardi matin. "Il va faire faillite et récupérer les assurances", avance l'homme de 65 ans selon qui il va falloir "des milliards" de dollars pour la reconstruction."Est-ce que (le PDG de MMA) a peur?", s'interroge Gérard, un tailleur de granite rencontré sur le patio de sa maison qu'il vient tout juste de regagner, à propos de la communication jugée insuffisante de la société.
Par ailleurs le gouvernement québécois a indiqué que le risque que quelque 100.000 litres de pétrole provenant des wagons-citernes ayant explosé se retrouvent dans le fleuve Saint-Laurent est "très faible".