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La Bulgarie hantée par l'exode de ses jeunes

Des Bulgares attendent à la gare routière de Sofia le 7 mai 2013 [Nikolay Doychinov / AFP] Des Bulgares attendent à la gare routière de Sofia le 7 mai 2013 [Nikolay Doychinov / AFP]

La Bulgarie, où auront lieu dimanche des élections législatives anticipées, subit un exode de ses jeunes diplômés aux conséquences dramatiques pour l'économie et la société d'un pays à la population vieillissante et à la main-d'oeuvre peu qualifiée.

Roumiana Ganeva, 26 ans, travaille dans un centre d'appels téléphoniques, malgré un master en économie obtenu dans la meilleure Faculté de sciences économiques à Sofia. "J'aurais pu faire cela sans diplôme", dit-elle, amère. Elle envisage désormais de s'inscrire à un deuxième master au Royaume-Uni. Sa grand-mère vendra son appartement pour financer ses études.

Entre 20.000 et 25.000 jeunes âgés de 25 à 39 ans quittent chaque année ce pays, le plus pauvre de l'Union européenne (UE), selon une étude du syndicat Podkrepa.

Les moins éduqués trouvent un emploi dans la construction, la restauration ou soignent des personnes âgées, notamment en Allemagne, au Royaume Uni, en Grèce et en Italie.

Des Bulgares à la gare routière de Sofia le 7 mai 2013 [Nikolay Doychinov / AFP]
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Des Bulgares à la gare routière de Sofia le 7 mai 2013
 

"La plupart de nos élèves sont impatients d'avoir leur bac uniquement pour partir ailleurs en Europe", indique à l'AFP Ginka Slavtcheva, enseignante dans un des meilleurs lycées de Sofia.

S'ils retournent en Bulgarie après leurs études supérieures, ils peuvent compter en général sur un salaire mensuel de 1.000 leva (500 euros).

"La principale raison de l'amour des Bulgares pour l'Europe est la possibilité de s'y enfuir", ironisait récemment le journal Troud.

Outre le faible salaire, d'autres aspects de la vie en Bulgarie encouragent à aller voir ailleurs.

"La force physique, l'argent et l'arrogance sont érigés en culte", s'indigne Hristo Mihaylov, revenu dans son pays après avoir étudié le droit en France. "Graisser la patte d'un médecin ou d'un policier est courant. Les examens s'achètent et même les diplômes!".

Des Bulgares à la gare routière de Sofia le 7 mai 2013 [Nikolay Doychinov / AFP]
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Des Bulgares à la gare routière de Sofia le 7 mai 2013
 

Environ 1,5 million de Bulgares ont émigré depuis l'effondrement de la dictature communiste en 1989, la population actuelle s'élevant à 7,3 millions d'habitants.

Le secteur de la santé est particulièrement touché: 57% des étudiants en médecine désirent émigrer, selon le syndicat du secteur.

"Cocktail empoisonné"

L'hémorragie de main-d'oeuvre et, pour ceux qui restent, des formations universitaires souvent inadaptées au monde du travail créent "un cocktail empoisonné" pour l'économie, déplore le président de la Chambre d'industrie (BIA), Bozhidar Danev. Il s'inquiète d'une pénurie d'ingénieurs, métier devenu impopulaire avec le déclin de l'industrie à la chute du communisme il y a 23 ans.

L'illettrisme prend par ailleurs des proportions alarmantes auprès de la minorité Rom (près de 10% de la population), appelée pourtant à former 23% de la force de travail du pays vers 2020, selon une estimation de la Banque mondiale.

 
 

L'émigration des Bulgares en Europe est appelée à se poursuivre, prévient Ognian Mintchev, directeur de l'Institut des études régionales et internationales à Sofia: "Il faudra des décennies avant que la société bulgare puisse offrir des conditions de travail et de vie comparables" à celles de l'Europe, estime-t-il.

De quoi aggraver la perspective démographique à long terme, qui est déjà la plus sombre d'Europe.

En 2012, les Bulgares quittant le marché du travail constituaient près de 24% de la population et les jeunes n'ayant pas atteint l'âge de travailler un peu plus de 14%, selon l'office des statistiques (NSI).

Le système des retraites croule sous le poids des 2,2 millions de personnes âgées, dont un peu plus de la moitié seulement touchent une pension allant de 150 à 200 leva (77 à 102 euros), selon le gouvernement.

"Je dépends de mon fils pour payer l'électricité et mes médicaments", explique Dimitrina Jeliazova, 80 ans. "La crise actuelle ne change pas grand chose", soupire-t-elle, évoquant les grandes manifestations de cet hiver qui ont conduit à la démission du gouvernement conservateur de Boïko Borissov.

"Nous nous serrons la ceinture depuis plus de vingt ans au nom de réformes dont on ne voit pas le bout, ni le résultat", souligne-t-elle avec amertume.

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