L'exhumation de la dépouille du poète chilien Pablo Neruda, décédé en septembre 1973 quelques jours après le coup d'Etat d'Augusto Pinochet, a débuté lundi à Isla Negra (côte centrale du Chili), pour tenter de découvrir si le poète a été assassiné ou s'il est mort d'un cancer.
Des ouvriers ont commencé à ouvrir la crypte où repose le corps du prix Nobel de littérature, auprès de celui de sa troisième épouse Matilde Urrutia, sous la supervision du juge Mario Carroza, qui instruit l'affaire, en présence d'avocats et d'une équipe de légistes.
Afin de travailler à l'abri des regards, les experts du service médico-légal ainsi que des membres de la police avaient installé dimanche une tente autour de la crypte où est enterré Neruda, dans le jardin de la maison qu'il possédait à Isla Negra, face au Pacifique.
Neruda, selon la version officielle, est mort d'une aggravation d'un cancer de la prostate le 23 septembre 1973, 12 jours après le putsch du général Pinochet contre le président socialiste Salvador Allende, grand ami du poète communiste.
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Mais de récents témoignages ont remis en cause cette thèse, évoquant un assassinat commandité par la dictature, pour éviter que Neruda ne devienne, de l'exil où il s'apprêtait à partir, un opposant de prestige.
La thèse du meurtre évoquée par certains de ses proches dès le début, et appuyée par d'autres témoignages et des rapports médicaux, a été finalement entendue par la justice chilienne qui a ordonné l'exhumation des restes du poète.
Le Parti communiste du Chili, également convaincu de son assassinat, a saisi la justice en décembre dernier pour qu'elle fasse exhumer les restes du poète.
"Neruda a été assassiné", a affirmé pour sa part à l'AFP Manuel Araya, 65 ans, à l'époque jeune militant que le parti communiste chilien avait désigné comme assistant et chauffeur de l'écrivain.
Selon lui, Pablo Neruda est décédé quelques heures après avoir reçu une mystérieuse injection alors qu'il était hospitalisé à la clinique Santa Maria à Santiago.
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Lauréat du Nobel de littérature deux ans auparavant, Pablo Neruda se sentait menacé depuis le coup d'Etat et voulait quitter le pays. C'est l'ambassadeur mexicain de l'époque à Santiago, Gonzalo Martinez, qui finalement lui fournira un sauf-conduit et un avion qui se tenait prêt à décoller pour Mexico le 24 septembre. Selon le certificat de décès vu par l'AFP, Neruda est mort de "cachexie cancéreuse", un état de malnutrition extrême et de grande faiblesse.
Les personnes ayant vu Pablo Neruda les jours précédant sa mort s'accordent à dire qu'il ne semblait nullement en danger. "Lorsque je l'ai connu c'était déjà un homme malade, mais il n'était pas squelettique ni catatonique. Autrement je n'aurais pas envisagé de le mettre dans un avion pendant neuf heures", rappelait l'ancien ambassadeur mexicain Gonzalo Martinez à l'AFP en juin 2011.
L'exhumation pourrait donner les clés du mystère de la mort du poète.
"Elle pourra déterminer si, avec l'aide des nouvelles technologies et malgré le temps passé et la proximité de la mer, nous pouvons trouver des traces de substances nocives, de toxines, de bactéries" prouvant l'intervention d'un tiers, a indiqué Eduardo Contreras, avocat du PCC . "Il n'était pas dans "un état de cachexie", a-t-il assuré à l'AFP. "Nous avons la conviction, la certitude la plus absolue que Neruda n'est pas mort de mort naturelle", a affirmé l'avocat.
La justice chilienne a récemment revisité les circonstances de morts survenues sous la dictature: elle a exhumé la dépouille d'Allende en mai, pour déterminer s'il s'était suicidé ou avait été assassiné au cours du coup d'Etat du 11 septembre 1973. Une expertise médicale a conclu au suicide.
Une autre enquête vise à examiner les circonstances de la mort d'un autre opposant, l'ancien président (1964-70) Eduardo Frei Montalva, qui s'est éteint en 1982 après une opération bénigne dans la même clinique où est décédé Pablo Neruda et où il avait été confié au même médecin.