Les rebelles centrafricains de la coalition Séléka ont pris Bangui dimanche matin, après une offensive éclair mettant en fuite le président François Bozizé, au pouvoir depuis dix ans et qui était introuvable dans la soirée.
Plusieurs militaires sud-africains déployés en république centrafricaine ont été tués dans les combats avec les rebelles, a indiqué à l'AFP un porte-parole de l'armée sud-africaine.
La France - ex-puissance coloniale - "a pris acte du départ du président François Bozizé" de Centrafrique, a indiqué l'Elysée.
Paris "appelle toutes les parties au calme et au dialogue autour du gouvernement" d'union nationale, issu de l'accord conclu le 11 janvier dernier à Libreville entre le camp Bozizé, l'opposition et la rébellion.
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De même, se disant "profondément inquiets par la détérioration de la sécurité", les Etats-Unis ont appelé "fortement" les rebelles à respecter l'accord de Libreville et à soutenir le gouvernement d'union nationale.
Ces messages ont été entendus par le chef du Séléka Michel Djotodia qui s'est autoproclamé président: "Nous resterons toujours dans l'esprit de Libreville", a-t-il promis, confiant qu'il gardera à son poste l'actuel Premier ministre du gouvernement d'union nationale Nicolas Tiangaye, figure de l'opposition à Bozizé, et qu'il organisera des élections "libres et transparentes d'ici trois ans".
M. Djotodia, en tant que chef des forces du Séléka qui l'ont renversé et qui contrôlent le pays, se pose comme son successeur. Agé d'une soixantaine d'années, Djotodia est un ancien fonctionnaire passé dans la rébellion dont il est l'un des principaux animateurs depuis 2005.
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Washington a également appelé "de manière urgente" le Séléka à "rétablir la loi et l'ordre dans la ville", toujours plongée dans le noir, livrée au pillage et où la situation est anarchique.
Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a condamné la prise de pouvoir par les rebelles et s'est déclaré inquiet des violations de droits de l'homme, selon son porte-parole Martin Nesirky.
Le président tchadien Idriss Déby Itno, président de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale (CEEAC), a lui aussi appelé le Seleka "au respect" de l'accord de Libreville, estimant qu'il "doit continuer à servir de base au règlement de la crise centrafricaine jusqu'à la tenue d'élections libres et transparentes".
"Les rebelles contrôlent la ville", a assuré une source au sein de la Force multinationale d'Afrique centrale (Fomac).
En milieu de matinée, un des chefs militaires des insurgés, le colonel Djouma Narkoyo, avait annoncé: "Nous avons pris le palais présidentiel. Bozizé n'y était pas".
Arrivé au pouvoir par les armes en 2003, le président Bozizé, 66 ans, - un ancien proche de l'empereur Jean-Bedel Bokassa - avait été élu président en 2005 et réélu en 2011 au terme d'un scrutin très critiqué par l'opposition.
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La Centrafrique, dont le sous-sol regorge de richesses minières, est enclavée entre le Tchad, le Soudan, la République démocratique du Congo (RDC), le Congo et le Cameroun.
Il suffit de traverser le fleuve Oubangui pour rejoindre la ville de Zongo en RDC. Mais, à Kinshasa, le porte-parole du gouvernement, Lambert Mendé, a assuré à l'AFP: "Le président Bozizé n'a pas demandé à venir en RDC, il n'y est pas arrivé, il n'est pas signalé".
Sa famille s'est réfugiée à Zongo, a-t-on appris à Kinshasa de source sécuritaire civile. Mais cette source n'a pas pu confirmer la présence de François Bozizé avec sa famille.
Dispositif militaire français renforcé
A Bangui, de nombreux pillages ont été rapportés à travers toute la ville. "Il y a beaucoup de pillages avec des gens armés. Ils cassent les portes, pillent et après la population vient, se sert aussi", a affirmé par téléphone un habitant dans le centre.
La situation a conduit le président Déby à appeler la Fomac, dont le Tchad fait partie, à aider à sécuriser la ville.
Paris a annoncé avoir "renforcé" son dispositif pour assurer la sécurité des Français. Quelque 300 soldats ont été envoyés en renfort à Bangui au cours du week-end, a indiqué l'état-major des armées françaises, portant à quelque 550 soldats les effectifs en Centrafrique où vivent environ 1.200 Français.
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a lancé un appel pour pouvoir déployer son personnel à Bangui, faisant état de nombreux blessés.
La rébellion avait lancé une première offensive le 10 décembre dans le nord du pays et enchaîné victoire sur victoire face aux forces gouvernementales désorganisées, avant de stopper sa progression sous la pression internationale à 75 km au nord de Bangui.
Des accords à Libreville avaient débouché sur la formation d'un gouvernement d'union nationale. Arguant du non respect de ces accords, les rebelles ont déclenché à nouveau les hostilités vendredi et déclaré vouloir mettre en place un gouvernement de transition s'ils prenaient Bangui.
Débandande
"On a entendu des tirs partout dans le centre ville, et c'était la débandade. Tout le monde s'est mis à courir dans tous les sens", a relaté une femme partie à la messe à la cathédrale, proche du palais présidentiel. "On vient d'abattre quelqu'un. Je ne sais pas si c'était un militaire ou un civil, mais il essayait de fuir sur sa moto".
Dans le centre, les sociétés de téléphonie Orange et Télécel ont été saccagées, a constaté l'AFP. Les pillards ont presque tout emporté, repartant avec des ordinateurs, des bureaux et même des chaises.
Les bâtiments institutionnels n'ont pas non plus été épargnés. Les rebelles ont attaqué le bureau de l'Unicef, et certains ont commencé à circuler au volant de véhicules estampillés Nations unies.